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Aramis
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"Ses derniers mots" de Rocamadour Empty "Ses derniers mots" de Rocamadour

Mer 28 Avr - 13:25
    La lumière blanche et froide fixée sur le casque de son scaphandre éclairait les parois de basalte qui formaient la gigantesque caverne dans laquelle ses quatre compagnons et lui-même avaient pénétré cinquante-huit minutes plus tôt. Son cœur battait de plus en plus vite, il sentait la sueur ruisseler dans son dos et la peur l’envahir peu à peu sans en connaître vraiment la raison. Une sorte de mauvais pressentiment tournoyait dans son esprit comme un oiseau de mauvais augure, la certitude qu’il allait se passer quelque chose d’effroyable, d’irrémédiable, dans ce décor fantomatique commençait à l’étreindre de ses bras puissants…
 
     John Harper avait la quarantaine, était marié, père de deux enfants qui faisaient sa fierté et dirigeait, en cette année 2032, la deuxième mission internationale envoyée sur Mars, la première s’étant soldée par la disparition inexpliquée des cinq astronautes qui la composaient. Les Etats-Unis, la Russie, l’Europe, la Chine et l’Inde s’étaient unis pour la mener à bien. Le vaisseau Prometheus avait amarsi dix-huit jours auparavant, après un long périple dans l’espace, et, dès les premières heures, tous avaient ressenti comme un appel, une attirance vers les montagnes proches de leur base et fini par céder à la tentation d’aller explorer ces lieux d’où émanait une force implacable.
 
     Cathédrale troglodyte, la grotte était constituée d’une vaste salle principale qui s’étendait sur des centaines de mètres puis débouchait sur un dédale de couloirs naturels certainement creusés par quelque ancien océan disparu depuis des siècles. Harper et son équipe se mirent à déambuler dans ce labyrinthe, ils étaient comme guidés par un fil invisible et s’orientaient sans difficulté, aimantés vers un but qu’ils ne connaissaient pas mais qu’ils redoutaient.
 
     Ils finirent par déboucher dans une nouvelle salle, moins spacieuse que la première mais bien plus stupéfiante de par l’atmosphère mystérieuse et oppressante qui y régnait. Et là, ils virent, trônant en son centre, ce que seul un fou aurait pu entrevoir : une sorte de sarcophage de pierre aussi noire que la nuit dont la surface était ornée de glyphes argentés et sibyllins. Toutes leurs convictions venaient de voler en éclats, ils n’en croyaient pas leurs yeux et s’approchèrent pour mieux voir les inscriptions mais ils ne reconnurent pas de symbole familier. La pierre était lisse, sans une seule éraflure ni aucune ouverture visible. John la toucha et ressentit au bout des doigts une chaleur intense malgré sa combinaison et la température glaciale qui régnait sur Mars. Harper, la voix enrouée par l’émotion, demanda à son second, Li Jing, de filmer et photographier la tombe et ils envoyèrent la vidéo et les clichés vers la Terre. Il faudrait un peu moins de deux minutes pour que les quelques photos parviennent à leurs destinataires mais plus de cinq heures pour que le film d’à peine cinq minutes atteigne le centre spatial de Houston.
 
     À la réception, tout d’abord, des photos, si les preuves n’avaient pas été sous leurs yeux, les membres de l’équipe technique internationale basée au Texas auraient pu douter des facultés mentales de leurs astronautes mais là, que pouvaient-ils penser ? Ils étaient bien forcés de reconnaître que le plus inattendu des évènements venait de jaillir au beau milieu d’une mission qui avait coûté des milliards de dollars, des milliers d’heures de préparation et de précieuses vies.
 
     Les ordinateurs du Centre étudièrent les glyphes photographiés et détectèrent une grande ressemblance avec… l’écriture cunéiforme, plus précisément le Sumérien, la plus ancienne langue écrite connue sur Terre, vieille de plusieurs millénaires ! Cependant, seuls certains mots purent être tout de suite traduits avec certitude : « roi », « mort », « mondes » mais aussi « malédiction » et « destin »… Certains commencèrent à crier au scandale, proclamant que c’était un canular quand, brusquement, tout se mit à trembler, on aurait dit un séisme accompagné d’un bourdonnement inouï qui envahit la pièce où les techniciens étudiaient le message reçu et bientôt l’air et les êtres vivants furent secoués de tremblements, le phénomène se développa et se produisit un peu partout sur la planète, provoquant une panique qui noya les âmes tel un raz-de-marée que nul n’aurait pu vaincre. Tout ceci ne dura en fait qu’une trentaine de secondes interminables puis, drapé dans ses voiles funèbres, le silence s’installa soudain, une brise printanière se leva et vint disperser les cendres, seuls vestiges de l’Humanité et de la vie sur Terre, comme un dieu se passant la main sur le visage pour chasser de mauvais souvenirs. Quant aux machines, elles continuaient mystérieusement de fonctionner, l’électronique était intacte. C’est à ce moment-là qu’arriva la vidéo envoyée depuis Mars par Harper et son équipe. L’image apparut sur l’écran géant de la salle de contrôle de Houston.
 
     — Houston, vous aurez des difficultés à nous croire mais nous avons découvert une sorte de sarcophage au fond d’une grotte située non loin de notre base. Je ne saurais expliquer ce qui nous a menés jusqu’ici. Cet endroit semble intemporel et tout droit sorti d’un cauchemar. La situation nous dépasse totalement. Je précise aussi que nous ressentons tous un malaise grandissant, comme des ondes dans nos corps qui se propagent, de plus en plus puissantes. Aucun de nous n’a jamais connu un tel sentiment !
 
     La caméra se déplaça pour montrer le sarcophage qui semblait aspirer la lumière autour de lui. Les écritures rougeoyèrent alors et la caverne se mit à trembler, des morceaux de roche tombèrent de la voûte. Harper murmura :
 
     — Nous avons réveillé quelque chose, j’en suis sûr, quelque chose d’innommable qui ne devrait pas exister. Nous n’aurions jamais dû venir ici, cette planète est un tombeau !
 
     Les vibrations envahirent leurs membres, les remplissant de terreur, puis s’amplifièrent encore, ils hurlèrent et, juste avant qu’il ne tombe en poussière et ne se mélange au sol sablonneux martien, Harper lâcha dans un dernier souffle :
 
     — Houston, nous ne… sommes pas seuls !




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