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Aramis
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"Intrication" de Lalex Andrea Empty "Intrication" de Lalex Andrea

Sam 1 Mai - 21:47
— Et encore une excellente histoire ! Je suis toujours frustrée de finir ses livres trop vite… Surtout que celui-ci est, de loin, son meilleur ! Son héroïne est absolument adorable.
L’épouse de la directrice Parvati Chadha roula sur le lit pour se tourner vers elle.
— Et les femmes adorables, cela te connaît, n’est-ce pas ?
Elles rirent toutes les deux, et profitèrent de ce moment de tendresse avant de devoir commencer leurs journées de travail. Cela faisait plusieurs décennies qu’on évitait de séparer les familles de ceux qui travaillaient sur la station spatiale. Aussi vivaient-elles paisiblement ensemble dans l’espace depuis plusieurs années, ne faisant que des retours occasionnels sur Terre pour les grands événements familiaux.
— Je te conseille vraiment de lire ce roman, Padma, il est excellent et n’a pas volé son prix. J’adore l’écriture de cette femme… Quand je pense qu’elle est morte cette semaine.
— Oui, j’ai vu passer l’info, mais je n’ai pas réalisé sur le coup que c’était ton autrice chouchoute qui était partie… Toutes mes condoléances.
Elle avait dit cela avec un air contrit exagéré, aussi sa femme lui balança son coussin en riant.
— Tu es incorrigible ! Allez, il faut qu’on bouge de ce lit, nous allons finir par être en retard.
Elles quittèrent la chambre pour leur minuscule salle de bain, afin de passer sous la douche à ondes. La tablette contenant l’ouvrage tant plébiscité était restée posée sur les draps.
Parvati avait grandi en rêvant de sitaaron ke beech tairana, comme on dit dans son hindi natal : de « nager parmi les étoiles ». Elle l’avait écrit sur son petit papier accroché à l’Arbre à vœux de Bodhgaya, lors d’un pèlerinage dans cette ville avec ses parents pendant ses jeunes années. Vivre dans l’espace répondait à son rêve d’enfant. Devenir la personne en charge de cette gigantesque plateforme à la pointe de la technologie était une consécration d’adulte.
Une alerte prioritaire s’afficha soudain sur la tablette délaissée.
Puis ce fut une sirène retentissante qui explosa dans toute la station.
 
 
— Directrice, c’est une catastrophe, hurla le responsable des communications.
Comment ce moment doux et serein du petit matin avait pu laisser la place à un tel chaos ? Parvati tentait de suivre les rapports qui s’accumulaient sur sa console dans le centre de commande. Le moteur principal de la station venait de lâcher, sans prévenir, sans signe avant-coureur, sous les yeux sidérés de l’équipe qui l’entretenait avec le plus grand soin. C’est impossible qu’il nous lâche, il est tout neuf, s’indigna-t-elle. Un moteur quantique, dernier cri technologique, le meilleur équipement développé par le géant industriel qui fournissait les missions spatiales. Elle n’en croyait pas ses yeux. Depuis, l’avalanche de dysfonctionnements grandissait. Tout le personnel s’était équipé de scaphandre, s’attendant au pire.
— Damien, si vous n’êtes pas capable de vous calmer, je vous fais sortir par la force ! Nous avons besoin de faire face, pas de devenir hystérique.
Cela fit l’effet d’une gifle à l’intéressé.
— Oui, directrice. À vos ordres.
— Les batteries auxiliaires prennent le relais un peu partout. Pour le moment, nos systèmes vitaux tiennent le coup. Nous n’avons à déplorer que peu de dépressurisations problématiques.
Elle avait lu les rapports d’avaries : son appartement fut l’un des premiers touchés. Il n’était pas grand, mais c’était sa maison depuis sept ans. Agencé le long d’une paroi extérieure, son logement avait la chance de bénéficier d’une splendide vue sur l’espace depuis la pièce de vie. La baie n’était pas très large, mais cette ouverture était un luxe face à la plupart des logements aveugles. Est-ce que ce potentiel point faible a causé sa perte ? Heureusement que Padma et moi étions déjà parties lorsque c’était arrivé…
Elle secoua la tête pour sortir de ses réflexions et lança ses ordres. Il fallait sauver ce qui était possible en attendant les réponses de la Terre à leurs messages d’urgence.
— Cloisonnez les ponts 5 et 6 et isolez leurs baies une fois que tout le monde a été évacué. Libérez tous les accès par échelle, qu’on arrête d’utiliser les ascenseurs. Pourquoi les élévateurs Vert-2 et Orange-8 sont-ils en mouvement ?
— Directrice, ils ont permis d’évacuer les hommes et leurs matériels depuis les niveaux inférieurs. Ils ont voulu prendre avec eux tout ce qui pouvait être utile.
— OK. Où en est l’équipe du moteur ? Des nouvelles du Scotty ?
C’était une appellation donnée à tous les ingénieurs en chef qui s’étaient succédé sur la station, mais la raison d’origine s’était perdue au fil des ans.
Une voix chaude et grave lui répondit.
— Directrice Chadha, je fais ce que je peux. On essaye de comprendre ce qui s’est passé, avec mon équipe. Le problème a eu lieu à l’intérieur même du moteur.
— Comment est-ce possible ? Une défaillance alors qu’il vient d’être installé ?
— Je ne crois pas, il a suffisamment été testé pour être totalement fiable… Comment expliquer ça ? C’est comme si quelque chose était apparu soudainement dedans, et tout s’est alors stoppé.
— Apparu ? Au milieu du moteur ?
— Oui. Je sais, c’est totalement incompréhensible. Je…
Une secousse ébranla toute la station, interrompant leur échange.
Une voix suraigüe fusa dans le module central, centre de commandement de la station, où se trouvait la directrice.
— Toutes les communications sont HS ! Nous avons perdu les liens audios et vidéos avec le reste de la station !
— Quoi ?
— L’infirmerie venait de chercher à vous contacter quand la comm a lâché, directrice.
Padma ! Un froid désagréable venait de lui saisir la nuque et son calme vacilla. Sa femme était une des infirmières à bord. Elle toucha son poignet gauche autour duquel était attaché un bracelet avec un médaillon représentant Ganesh. Ô dieux et déesses, faites qu’elle reste saine et sauve. Mais elle se reprit bien vite : c’était une vie parmi tant d’autres dont elle avait la charge.
Elle reprit, d’une voix très légèrement chevrotante.
— Et la secousse ? Est-ce que nous avons des rapports là-dessus ?
— J’ai des impulsions d’énergie au niveau du moteur !
— Quoi ? L'équipe du Scotty a réussi à réparer ?
Une nouvelle secousse se produisit. Puis la lumière s’éteignit, ainsi que toutes les consoles. Parvati n’eut pas le temps de donner l’ordre de fermer les casques que tout le monde s’empressait de le faire. Le désespoir se répandit comme une traînée de poudre dans tout l’équipage.
 
Il n’y avait pas eu d’autre secousse. Les ordinateurs n’étaient plus d’une grande utilité. Les alertes avaient beau avoir été envoyées à la Terre, est-ce qu’il y aurait une réaction suffisamment rapide pour les sauver ? Parvati n’en savait rien. Personne n’avait pu imaginer un tel scénario catastrophe. Cela fait un siècle qu’on parle de mettre en place une navette d’évacuation, sans jamais en avoir installée une, s’énerva-t-elle. Ils n’avaient aucun matériel, dans le centre de commande, pour pallier aux pannes matérielles. Seules les radios à ondes courtes de leurs casques fonctionnaient, ce qui limitaient grandement les communications avec le reste de la station.
Pour passer le temps dans l’attente d’une assistance extérieure, pour trouver une activité la plus rassurante possible, elle parlait de sa dernière lecture à ceux du centre de commande. Se replongeant avec douceur dans ce roman fini le matin même – une éternité ! – elle essayait de focaliser leur attention pour minimiser les crises de panique. Ils attendaient, résignés, écoutant leur directrice dans un silence inhabituel. Elle-même refusait de penser à Padma pour éviter de perdre définitivement ses moyens. Que puis-je faire pour sauver tous ces humains de ce potentiel drame ? Comment pouvons-nous nous en sortir ? Elle se sentait totalement impuissante. Elle avait envisagé de rejoindre la salle du moteur plus d’une fois. Mais serait-elle plus efficace que les ingénieurs sur place ? Clairement pas. Aussi restait-elle à son poste, pour coordonner d’éventuelles infos qui lui parviendraient des autres sections. Si toutefois les différentes responsables prennent le risque d’envoyer des gens porter leurs messages jusqu’à moi !
Soudain, les lumières se rallumèrent brutalement, les aveuglant tous, alors qu’une nouvelle secousse secouait la station spatiale. Tous les ordinateurs se remirent en marche. Ils étaient tellement surpris qu’ils restèrent interdits pendant un long moment.
— Les comms sont de retour, hurla Damien.
— Le moteur marche de nouveau, ajouta la responsable des analyses.
— On vous appelle, directrice ! De partout !
L’effervescence et l’agitation se déchainèrent dans le module central. Elle répondit à celui qui était de toute évidence prioritaire.
— Scotty ! Alors ?
— Directrice, c’est à n’y rien comprendre… Le moteur vient de redémarrer, comme si de rien n’était. Je ne sais pas quoi vous dire…
— Vous avez réussi à le réparer ?
— Honnêtement, non. Enfin, je ne pense pas. Certains se sont approchés au plus prêts de son cœur, mais…
— Certains ? Je vous connais, Doug…
Ils travaillaient ensemble depuis longtemps et il ne pouvait pas lui mentir.
— Bon, OK, j’avoue. Je suis allé voir avec ma boîte à outils et deux techniciens. Sans console, on devient vite impuissant. Mais parfois, mettre les mains dans le cambouis, ça peut servir. Ecoutez, c’était vraiment bizarre. Au cœur de notre moteur, il y avait… quelque chose d’inexplicable. On aurait dit que la réalité était floue, vacillante. Je vous dirais bien qu’il y avait une ouverture sur un monde parallèle, mais mes professeurs et mes collègues pourraient me jeter des pierres pour ça. Et ils auraient sans doute raison… mais…
Il fit une pause. Parvati sentait son trouble. L’homme avait été clairement ébranlé parce qu’il avait vu. Elle le laissa poursuivre.
— J’ai bêtement tendu la main. J’ai voulu toucher ce… Cette manifestation anormale et illogique.
— Vous êtes dingue ?
— Je sais… Curiosité scientifique, on va dire…
— Et alors ?
— Alors… J’ai vu, en face, ma propre main approcher de la mienne.
— HEIN ?
— Je sais. C’est insensé. Je ne sais pas quoi vous dire… J’ai suspendu mon geste. J’ai eu peur. Mes doigts ont peut-être frôlé ces autres eux-mêmes, je ne sais pas. Mais je peux vous dire que j’ai fui en quatrième vitesse. Ma panique était totale.
Elle était sidérée par ce qu’elle entendait.
— J’ai rappelé mes deux gars, parce que la luminosité de ce truc inexplicable commençait à augmenter. Je ne sais pas si c’est lié à mon… geste, ou pas. Bref, nous sommes revenus dans le module en verrouillant toutes les trappes d’accès au fur et à mesure. Je n’ai pas vraiment eu le temps de parler avec eux de tout ça, parce que le moteur a tout à coup redémarré.
— Tout seul ?
— Oui, tout seul. Sincèrement, personne n’a rien fait dans mon équipe.
Elle était aussi abasourdie que lui.
Sa tablette vibra, la faisant sursauter. Un message de Padma venait de s’afficher. « Notre doc est blessée, mais on gère. Aucun mort. Bravo pour le redémarrage ! Je t’aime. »
La directrice de la station se sentait toujours aussi impuissante, mais, au moins, tout le monde était sain et sauf. Sa femme aussi.
— Et maintenant, directrice ?
Elle chuchota sa réponse, comme pour elle-même.
— Grâce aux dieux, nous continuons à nager dans les étoiles…
 
 
Une communication doublement cryptée venait de parvenir dans le laboratoire de recherches quantiques. La confidentialité de leurs travaux nécessitait de nombreuses précautions. Le responsable des expérimentations accusa réception puis le déchiffra.
*** INTRICATION AVEC LA STATION SPATIALE CONFIRMÉE ***
*** DEGATS MATERIELS CONSTATES ***
*** STOPPEZ LES ESSAIS ***
Il savait bien que cet essai grandeur nature ne s’était pas passé comme prévu. Les rapports de ses équipes en attestaient. Les particules liées étaient censées communiquer ensemble et ouvrir une passerelle malgré leur séparation spatiale : une porte permettant de franchir plusieurs centaines de kilomètres en un claquement de doigt. Je n’imaginais pas une seconde que cela nuirait à la station ! Car son industrie avait fourni le moteur quantique contenant les particules enchevêtrées à celles de son laboratoire. Mais dans leurs calculs, leur essai aurait dû être totalement invisible et sans impact pour ceux basés dans l'espace.
Prenant sa tête entre ses mains, il réalisa qu’il était à l’image du chat de Schrödinger, car deux émotions se superposaient puissamment en lui. Il était fou de joie de savoir que leur expérimentation avait bien créé un lien d’intrication quantique, même si ce n’était pas encore le portail rêvé, et profondément déprimé à l’idée de devoir s’arrêter là, alors qu’ils étaient en si bonne voie pour révolutionner le rapport des hommes à l’espace-temps.










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