LÉGENDE, la revue SFFF - FORUM
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le deal à ne pas rater :
Cartes Pokémon : la prochaine extension Pokémon sera EV6.5 Fable ...
Voir le deal

Aller en bas
Aramis
Aramis
Admin
Admin
Messages : 78
Date d'inscription : 15/04/2021
Age : 404
https://revuelegende.wordpress.com/

"Au croisement des vies" de Sylvie Coulon Empty "Au croisement des vies" de Sylvie Coulon

Mer 25 Aoû - 16:20
Hélène avait hâte qu’arrive l’heure. C’est aujourd’hui que devait se décider du sort de Jerémy. Il était dans le coma depuis 15 jours. Oh oui, au moins ça, réfléchit-elle. Et depuis deux semaines, Oriana, sa femme, et ses enfants étaient venus à son chevet à l’hôpital.
Les médecins n’avaient pas été rassurants au début. D’après le professeur Jane, le cœur de Jérémy s’était arrêté plusieurs fois, trop de fois. Et Jérémy avait cessé de respirer un certain nombre de minutes. Hélène n’avait pas retenu le nombre, les larmes au bord des yeux, retenant ses sanglots.  Le professeur Jane ne mettait pas de côté une amélioration mais avait peu d’espoir. Lors de l’accident, le cerveau avait été projeté d'avant en arrière, et le choc avait   provoqué des lésions au niveau des lobes frontaux et dans les parties postérieure du cerveau, dans la région occipitale. De nombreuses petites hémorragies en surface s’étaient produites lors du choc.
Oriana, la femme de Jérémy, qu’Hélène trouvait si belle, était venue à son chevet tous les jours, et tous les jours, elle lui avait lu un passage du livre préféré de Jérémy, La nuit des temps, de Barjavel.
Ses enfants, Lou et Edward passaient régulièrement et eux, apportaient des CD de jazz. C’est vrai que dans sa jeunesse, Jérémy faisait partie d’un groupe de jazz. Hélène connaissait si bien cette famille. Presque sa famille.
Et puis, jour après jour, les nouvelles positives sont arrivées. Jérémy sortait peu à peu du coma, mais il restait inconscient. Cependant, les médecins avaient certifié que le réveil de Jérémy était imminent.
Hélène n’avait presque pas dormi cette nuit. Elle s’était levée à 4 h 30 comme d’habitude. Douche, petit-déjeuner et hop il était temps de partir prendre son poste. Cette semaine, elle était du matin. Quand elle arriva à l’usine, ses collègues étaient déjà là et comme elle, elles ne parlaient que de Jérémy. Certaines étaient pessimistes, Esma, Rosine et Lena. Hélène les a vite remises en place. C’était du n’importe quoi, Jérémy était fort, résistant, il avait réussi à survivre à pire, alors, Hélène était sûre que cette fois-ci aussi.
La fine équipe avait pris son poste. Il était 6 heures du matin. Le soleil se levait à peine en cette belle journée de printemps.
Le baume au cœur d’Hélène s’était légèrement teinté de gris après la discussion des filles. Quinze jours, c’était bien suffisant, se dit-elle. Après réflexion, le sourire lui revint et elle s’autopersuada que tout à l’heure, elle reverrait les beaux yeux de Jérémy.
Le jour où elle l’avait rencontré, elle venait d’apprendre sa rémission à la clinique de la 5ème avenue. Le Docteur Guérard lui avait annoncé que son cancer avait complètement disparu. Elle l’avait remercié, poliment, sans aucune effusion de joie, interloquée. Le temps était resté suspendu. Elle était sorti du bureau de son médecin puis s’était dirigé vers la salle d’attente pour s’y assoir un instant. Il fallait qu’elle reprenne ses esprits. Trois personnes attendaient. Elle reconnut la maladie en eux. Ils patientaient, les yeux perdus sur un écran de télé suspendu au plafond. Hélène s’est assise tout comme eux. Tout comme eux elle était assaillie d’émotions. Elle ne connaissait que trop bien celles que ressentaient les patients dans la salle d’attente du Dr Guérard. La colère, la peur, le vide. Mais elle aujourd’hui, sentait de nouvelles émotions l’envahir. Des émotions inconnues jusque-là. Des émotions dont elle avait rêvé. Elle sentit la difficulté de ressentir réellement ses émotions. Car comment croire à cette rémission tant attendue, sans se demander si c’était vrai, s’il n’y avait pas d’erreurs dans les résultats des examens. Elle avait insisté plusieurs fois auprès du médecin pour qu’il confirme que c’était bon. Dans cette salle d’attente, aux couleurs pastelles, elle ne s’était pas donné le droit d’être heureuse, soulagée. Et puis Jérémy était apparu. Ce n’est pas seulement son regard qui l’accrocha mais c’est un tout, son allure, la façon douce qu’il avait de rassurer quand il prenait la parole. Elle oublia tout : cancer, rémission, maladie. Elle oublia les autres patients de la salle d’attente. Elle se noya littéralement dans les yeux de Jérémy.
Et depuis trois ans, elle tient à fêter ce jour anniversaire, le jour de l’annonce de sa rémission et le jour de sa rencontre avec Jérémy. Depuis ce jour, elle le voyait pratiquement tous les jours.
La journée de travail arrivait presque à son terme et Hélène ne faisait que regarder sa montre. Bientôt. Elle se rendit compte qu’elle avait déjà arrêté sa machine. De façon mécanique, elle avait rangé son poste de travail, prêt à l’emploi pour l’ouvrière opératrice qui allait prendre le poste de l’après-midi. Et elle attendait, assise, sur son tabouret, l’œil rivé sur l’horloge au mur du fond de l’usine.
Sans s’en rendre compte, de façon presque hypnotique, elle se retrouva au volant de sa voiture, sur le chemin du retour.
Arrivée dans son appartement, elle posa son sac à main gris sur la commode de l’entrée, se rendit à la cuisine où elle récupéra un plat cuisiné qu’elle mit au micro-onde. Elle se servit un verre d’eau qu’elle plaça sur le plateau sur lequel elle déposa son plat chaud.
Un léger coup d’œil sur la montre. Il était l’heure. Jérémy allait arriver.
15 h 00. Elle alluma le téléviseur et s’installa confortablement sur son canapé, le plateau sur les genoux. Une semaine sur deux, c’est ce qu’elle faisait : déjeuner en décalé. C’était sa vie depuis 3 ans qu’elle avait trouvé cet emploi chez Mikles. Au début, ça avait été compliqué, bien sûr, mais elle s’y était faite.
Le moment était venu : 15 h 15. Le générique de sa série débuta. A l’écran défilèrent les visages des comédiens. La première scène n’intéressa pas vraiment Hélène qui commença son repas. Puis la chambre d’un hôpital vint s’incruster sur l’écran. Hélène posa ses couverts sur le plateau. Elle plaça le plateau sur la table basse. Hélène ramena ses jambes contre elle, ferma ses poings. Le temps s’arrêta. Dans cette chambre d’hôpital, se tenaient plusieurs personnages, une famille, composée d’une mère et de ses enfants, et un médecin certainement, d’après la blouse et le stéthoscope autour du cou de ce dernier. Celui-ci annonçait à la famille que Jérémy allait se réveiller d’un instant à l’autre et que seulement à ce moment-là, il saurait s’il y aurait des séquelles. Hélène lâcha un cri : des séquelles !  C’est juste impossible. La caméra fit un travelling circulaire et zooma sur le personnage allongé sur le lit médicalisée. Jérémy ouvrit alors les yeux. Hélène retint son souffle, au bord des larmes. Elle murmura le prénom de Jérémy.
Le regard de Jérémy alla de sa femme à ses enfants puis revint sur le docteur. La caméra dézooma sur un plan large. Hélène pouvait assister aux retrouvailles. Oriana, l’épouse de Jérémy était en larmes, entourée de ses enfants. Le médecin posait des questions à Jérémy. Comment se sentait-il ? savait-il comment il s’appelait ? Savait-il pourquoi il se retrouvait dans cette chambre ?
Hélène était suspendu à ses lèvres. Et puis Jérémy prit la parole. Hélène laissa échapper une larme de plus et expira. Il était revenu.
Il déclina son identité. Il reconnut tout le monde. Il se souvenait même de l’accident.
Il raconta qu’il avait pris la route pour aller au bureau. Il se souvint s’être arrêter au carrefour de la 3ème avenue. Il s’en souvient très bien car arrêté au feu de signalisation, il avait observé le restaurant de burgers du coin et s’était dit qu’au retour, il en profiterait pour y faire un arrêt et commander pour Oriana et lui. Et puis plus rien. Le trou noir.
Il se sentait plutôt bien malgré les circonstances. Il fut surpris d’apprendre être resté 15 jours dans le coma. Vraiment, il se sentait bien. Il n’avait rien de cassé et avait même un peu faim. Sa famille était ravie de cette nouvelle. Ils restèrent encore un peu, puis suivant les conseils du docteur, ils laissèrent Jérémy se reposer.
Resté seul, il ferma les yeux, se recentra sur ce qui lui était arrivé. Un camion l’avait percuté de plein fouet. Il s’en sortait plutôt bien admit-il.
Il sortit la semaine suivante. Le service hospitalier était très surpris du rétablissement si rapide de leur patient. Mais cela arrivait parfois. De retour à la maison, Jérémy fut plus entouré que jamais par son épouse et ses enfants. Il devait reprendre le travail le mois suivant si tout se déroulait bien.
Alors, en attendant, il en profitait pour faire ce qu’il ne faisait jamais : concocter des petits repas pour sa famille, jardiner sans trop forcer comme le lui avait conseillé le docteur, regarder des séries vieilles comme le monde, et continuer le livre qu’il avait débuté il y a 3 mois déjà, mais qu’il n’avait jamais eu le temps de finir.
Tous les après-midis, après la sieste, il prenait son bouquin sous le bras, allait sous la véranda, s’installait confortablement et reprenait la lecture de son livre Sombre est l’Origine. Il reprit là où il en était resté : le personnage principal, petite bonne femme courageuse, venait d’apprendre, que la tâche noire qu’elle avait sur le poumon, était malheureusement maligne. Hélène avait un cancer !



Emma aime ce message

Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum