LÉGENDE, la revue SFFF - FORUM
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le deal à ne pas rater :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : où l’acheter ?
Voir le deal

Aller en bas
Aramis
Aramis
Admin
Admin
Messages : 78
Date d'inscription : 15/04/2021
Age : 404
https://revuelegende.wordpress.com/

"Ailes de cendre" de Lissilma Empty "Ailes de cendre" de Lissilma

Mer 25 Aoû - 16:44
COME
 
Il souffrait le martyre. Enchâssé comme une pierre précieuse dans le chaton d'une bague, son corps prisonnier, hurlait de douleur. Il était le captif vivant d'un sarcophage de métal tordu. L'accident s'était passé si vite que ses réflexes pourtant bien aiguisés n'avaient pas réussit à le sortir de ce mauvais pas. Au petit jour, une soudaine nappe de brouillard l'avait surpris... tout comme les autres conducteurs. L'enfer, brusquement, s'était déchaîné. Au son  strident des pneus  mordant l’asphalte,  avaient répondus les coups de volants incohérents des chauffeurs paniqués. De nombreux véhicules s'étaient encastrés les uns dans  les autres. Cet enchevêtrement intime de tôle froissée et de chair blessée faisait froid dans le dos. A la cacophonie mécanique résultant des premiers instants du carambolage succédait à présent,  une vague de stupéfaction muette. Un silence pesant s'abattait sur cette infime portion d'autoroute. Seule s'élevait  la sirène geignarde,  d'une voiture encastrée sous un camion. Elle était lugubre comme le hurlement d'un loup solitaire perdu dans la steppe. Puis... une déferlante de cris de douleur, d'appels au secours submergea tout.
Coincé dans l'amas de ferraille qui peu de temps encore s'avérait être une berline confortable, Côme reprenait lentement ses esprits. Était il blessé? Sûrement ! Pourquoi en serait il autrement ? Allait il mourir ? Peut être ! Sa survit dépendait de tant d’impondérables. Aucune assurance ne pouvait le protéger totalement des aléas de la vie.  Quand à la chance, c' était une  maîtresse volage ! Jamais elle ne s'attardait auprès de ses protégés. Malgré la situation dramatique, il  restait lucide. Ce trait de caractère avait toujours été sa force principale, son atout majeur ! Sa clairvoyance  lui permettait  de mener à son terme les négociations délicates... qu'elles soient d'ordre professionnelles ou  sentimentales.
Mais, dans la situation présente, il aurait préféré se voiler la face et faire comme si...
Comme s'il ne percevait presque plus le douloureux supplice de ses jambes. Elles qui lui faisait vivre un véritable calvaire, quelques instants auparavant devenaient peu à peu insensibles.
Comme s'il ne sentait quasiment plus la souffrance irradiant de son torse martyrisé, brisé. De toutes parts de nombreuses  pièces métalliques pénétraient dans sa chair comme des flèches d'acier. Elles le métamorphosaient en une grotesque chimère. Hybride contre nature entre un humain et un porc-épic !
Comme s'il ne humait pas l'odeur métallique de son sang. Inexorablement, il s'écoulait goutte à goutte, emportant avec lui ses chances de subsister. Il allait mourir, c'était un fait !  La fleur sanglante qui s'épanouissait sur sa chemise blanche le lui prouvait, hélas, amplement !
Un sourire dépité effleura un instant ses lèvres sèches. Il savait !  Il succomberait bientôt, épinglé sur son siège comme un papillon sur une planche d’entomologie. Étrangement la douleur refluait. Elle se situait maintenant, à l'arrière plan de sa conscience. Juste assez présente pour lui rappeler sa condition d'être vivant à l'agonie. Mais plus suffisamment forte pour l'effrayer. Il n'était plus qu'un corps désarticulé dans un accident qui plomberai d'une pierre noire les statistiques de la sécurité routière.
Côme se révoltait il par cette fin violente et sans panache ? Non... pas vraiment, la vie était ainsi faite ! Elle vous octroyait des moments de plaisir intense. Puis elle vous les reprenait sans coup férir l'instant  suivant. Cette chienne enragée vous disputait âprement les miettes de félicité qu'elle vous  dispensait parfois. Il l'acceptait, c'était le prix à payer pour vivre de petits moments d'enchantement !Avec l'age, il devenait fataliste ! Il avait cesser depuis belle lurette de se battre contre les moulins à vent.
Le bonheur, Côme l'avait dégusté, savouré, mordu à pleines dents. De nombreuses et belles rencontres avaient émaillé le cours de  sa vie. Amoureux de l'amour, il succombait souvent à ses attraits. Les  femmes l'attiraient comme un aimant. Il savait sublimer l'attrait physique des corps pour le transformer en langage poétique... tout autant qu'érotique. Oui, Côme avait aimé plus que sa part en ce monde mais... jamais... il ne s'était engagé. Jamais ! Était il volage? Immature ? Pas vraiment ! Car à chaque nouvelle passion, il se vouait entièrement à satisfaire les moindres désirs de sa nouvelle compagne. Mais... invariablement au bout de quelques années, l'attirance s'estompait. Son intérêt envers l'autre s'émoussait et son regard se portait ailleurs ! Il était dans sa nature profonde de papillonner, de butiner. Côme aimait  lutiner de femmes en femmes et honnêtement il pesait continuer ainsi... jusqu'à sa rencontre avec... Elle.
 
***
ELLE
 
Sa compagne de vie actuelle était tout sauf ordinaire. D'ailleurs l'étrangeté de leur première rencontre n'avait rien de banal non plus. Ce qui avait subjugué Côme au premier regard était... le dos de la belle. Plus exactement le tatouage qui ornait la blancheur de sa peau. Le dessin niché au creux de ses omoplates représentait un rapace. L'oiseau tatoué aux ailes veloutées comme la cendre avait capté toute son attention. Merveilleusement dessinée, une chouette effraie noire et grise s'imprimait sur la chair laiteuse d'une belle inconnue. Cette  chasseresse nocturne l'avait immédiatement attirée. Le masque facial en forme de cœur, le poitrail constellé de perles sombres l'avait hypnotisé des le premier instant. La propriétaire de cette œuvre d'art, âgée d'une trentaine d'année patientait dans la file d'attente comme tous les visiteurs du parc animalier. La belle se trouvait à quelques mètres à peine du jeune homme comme  engluée dans la foule compacte.  Elle semblait si inaccessible que pour la première fois de sa vie, Côme se sentit frustré. Son cœur battait la chamade. Lentement, la fille se dirigea vers les portiques automatiques obstruant l'entrée du zoo, bien inconsciente de l’intérêt soudain qu'elle suscitait. Le temps que Côme parvienne à franchir les entrées métalliques, sa  mystérieuse inconnue avait disparut dans les allées du parc.
Un signe du destin ? Sans doute!  Pendant ses déambulations entre les enclos du parc, un sentiment irrationnel le poussait à guetter la silhouette gracile de la femme. En transe, il recherchait une longue robe  noire parsemée de myosotis bleus. Parfois, il lui  semblait l'apercevoir au loin. Mais le temps de parvenir à l'endroit où se tenait la belle quelques instants auparavant... celle-ci s'en était déjà allé.
Le petit jeu de cache-cache dura toute la journée. Insaisissable, l'étrangère se refusait à lui. Il se sentait peu à peu contrarié et énervé. Cette journée qui devait être pour lui un agréable moment de détente tournait à l'obsession.   Il l'avait planifié cette visite depuis de longues semaines et voilà  que tout ce qui lui importait était de retrouver cette mystérieuse femme tatouée. Cela le perturbait plus que de raison. Il enrageait littéralement. L'esprit focalisé sur sa proie, totalement concentré sur la traque de  l'énigmatique inconnue, Côme n'accordait plus aucune attention  aux animaux des enclos. Or  il adorait les animaux. La beauté sauvage et puissante des félins, la grâce délicate des antilopes et des  gazelles ne l'atteignait guère. Pas plus que ne le troublait  la force pacifique des éléphants ou les mimiques facétieuses des chimpanzés. Non, en cet instant il ressemblait beaucoup plus à un prédateur en chasse qu'à un humain en vacances ! Même la beauté fragile des  oiseaux exotiques,  piaillant dans les vastes volières ne parvenait pas à le distraire de sa fixation.
La journée s'écoula sans qu'il puisse mettre un visage sur son idée fixe. L'heure de fermeture arriva beaucoup trop vite à son goût. La mort dans l'âme, il quitta à regret  les allées du parc zoologique, convaincu de ne plus jamais revoir celle qui l'avait troublé au-delà de l'entendement.
Depuis plusieurs mois, il avait consciencieusement planifié ses trop rares vacances. A quelques kilomètres du parc, il s'était choisit un petit cocon douillet. Côme avait louer une chambre confortable dans une ferme typique de la région. Son emplacement lui permettait d'explorer les environs sans trop s'éloigner de son point d'ancrage. Mais en cette fin de journée d'août, les dieux farceurs étaient en mal de distractions. Ils avaient décidé de s'amuser un peu... au dépend des mortels. Cupidon et Aphrodite étaient de sortie. Ils délaissaient pour un temps les nuages vaporeux de l'Olympe et venaient encanailler chez les hommes. Le premier armé de son arc décochait des flèches enflammées à tout va. Il perçait les cœurs tendres de son aiguillon tentateur et faisait naître des passions torrides. La seconde légèrement plus pondérée drapée dans ses voiles parfumés, titillait les âmes prêtent à se consumer. Un vent de folie amoureuse saturait l'air de ses effluves de désirs. Ici et là naissaient des histoires d'amour  très... très chaudes. Une pandémie de coups de foudre, de volupté et d'attractions sexuelles se répandait dans l'atmosphère. Comme une traînée de poudre enflammée, cette flamme de sensualité brûlait tout sur son passage. La pudeur, la retenue et la sagesse furent oblitérer pour un temps. Chacun, chacune succombait à l'attrait impérieux des sens. Beaucoup  répondirent à l'appel du désir et succombèrent à l'attrait de la chair. Ils s'abandonnèrent bienheureux aux émois distillés par deux  vieux dieux en rut.
Côme ne fut  qu'une victime quo-latéral  de cette  libération massive de sentiments ardents et de testostérones.
 
***
SURPRISE !
 
Ce soir la, Côme eut la surprise de découvrir, alors qu'il pénétrait dans la salle commune de sa  maison d'hôtes, un dos blanc orné d'une chouette grise. La jeune femme était déjà attablé  avec les autres convives. L'objet de son désir si ardemment recherché toute la journée se trouvait à porter de souffle. Signe du destin ? Jeu cruel de dieux farceurs ? Que lui importait ! La fille se tenait à quelques mètres à peine de lui. Lorsqu'il prit place à ses côtés, l'enfer sous ses pieds s'ouvrit.  Quand il croisa son regard, son cœur manqua de s'arrêter. Des yeux bleus rieurs le fixaient. Des pupilles, limpides comme les eaux prisonnières des icebergs l'étudiaient attentivement. Lorsque Côme s’immergea dans cette clarté cristalline... son âme s'enflamma. Il fut conquis ! Perdu à jamais dans cet azur lumineux. Oubliés les bons mots, les phrases toutes faites, les traits d'esprit sensés faire mouche afin de la conquérir et la faire sienne. Muet, subjugué, tel un pantin désarticulé sans cervelle, il se soumit à  son regard trop clair. Toute son assurance, toutes ses certitudes avaient été balayés par le mouvement rapide de ses longs cils noirs. Comment était ce possible ? Il se retrouva vaincu avant d'avoir commencé le combat. Puis, elle lui assena le coup de grâce, juste au moment où elle lui adressa un sourire doux, sucré comme un rayon de miel. Que pouvait il faire ? Rien !   Alors qu'elle passait voluptueusement le bout de sa langue sur ses lèvres pulpeuses, Côme la  regarda tétanisé.  Une goutte de jus de pêche brillait à la commissure de ses lèvres. Le jeune homme déglutit difficilement. Son esprit surchauffé déraillait. A cet instant, il aurait voulu être cette perle sucrée, afin de mourir dans le fond de sa gorge chaude. Fantasme sensuel, obsession charnelle dénuée de raison, il divaguait sur l'océan de son désir! Vaincu, il se retrouvait pieds et poings liés à sa merci. Lui, le mâle viril, le bourreau des cœurs, le conquistador des corps féminins n'était plus qu'un pauvre petit moucheron stupide englué dans une toile d'araignée si belle, si fragile mais... si mortelle ! Quelque part entre sa tête et sa braguette  les derniers neurones intactes de son cerveau embrumé cherchaient désespérément des réponses à cette attirance hors norme. Qui était donc cette femme superbe et mystérieuse ? Elle l'avait transformé en une fraction de seconde. D'homme charmeur et conquérant il se muait en agneau sacrificiel ? Le dominateur se soumettait déjà ! Il  acceptait d'être la victime consentante de tous les supplices qu'elle voudrait bien lui infliger. Pathétique, lamentable ! Devenait-il fou ?  Comment était ce possible? Il l'ignorait. Mais un sentiment étrange, déroutant et effrayant  le liait plus étroitement chaque seconde à... l'Autre. Partageait elle son émoi? Peut être ! Car une main douce mais ferme se posa sur sa cuisse. Malgré l'épaisseur de son jean, cela provoqua en Côme un tsunami de sensations puissants. Un volcan se réveilla entre ses reins tandis qu'une érection monumentale érigeait son membre viril en une obélisque victorieuse. Bon sang, il bandait sec ! A ses côtés, les yeux bleus le dévisageaient légèrement moqueurs avec une pointe de... concupiscence ?  Une seule constatation s'imposa dans l'esprit en déroute de l' homme... il était  foutu !
Côme aurait été bien en peine d'énoncer la composante du menu de ce soir là, tant  le charme de sa voisine de table le perturbait. Sa présence, le troublait plus que de raison. Son parfum obscurcissait ses sens. Cependant, à la fin du repas,  il retrouva  un instant de lucidité puisqu' il  proposa de raccompagner sa captivante voisine jusqu'à sa chambre. A près... ce fut le trou noir.
 
Au petit matin, Côme se réveilla dans des draps froissés. Il lui fallu quelques secondes d'intense  concentration pour se remémorer la soirée de la veille. Il ne croyait pas au coup de foudre et ce qu'il avait ressentit hier soir allait bien au-delà de ce sentiment ! Fichtre ! Il en était certain ! Jamais aucune femme ne lui avait fait un effet pareil. Plus il s'interrogeait, plus il était désorienté. Un vide incommensurable hurlait dans sa conscience alors qu'un mal de crâne phénoménal pulsait à l'arrière de sa tête. Aucune réminiscence de la nuit passée ne lui traversait l'esprit. Il ne se souvenait de presque rien. Avait il été drogué ? Abusé? Un frisson glacé couru le long de sa colonne vertébrale. Bon sang de bois, il m'aimait pas ça! Décidément rien ne lui revenait en mémoire. Sauf... les yeux bleus de sa mystérieuse compagne de tablée et... son haleine fraîche légèrement mentholée. C'était peu comme souvenir ! C'était fou, merdique au possible ! Brusquement, il sentit un corps souple et chaud bouger contre le sien. Damnation ! Que se passait il encore ? Une frayeur irraisonnée et viscérale  lui liquéfia les entrailles. Jamais il ne s'était sentit aussi vulnérable ! Comment et pourquoi se trouvait il sur cette couche, dans une chambre qui n'était pas la sienne? Pourtant quand  le corps anonyme s'agita doucement contre lui, il se sentit ému jusqu'aux larmes. Pourquoi une telle sensibilité ? Cela lui ressemblait si peu. A présent bien éveillé, Côme ne distinguait de la dormeuse qu'une chevelure soyeuse étalée sur l'oreiller. L'indice était léger mais suffisant ! Car sous le drap blanc, ses mains s'enhardirent. Elles explorèrent ce terrain mystérieux. La peau était douce et  fraîche. Elle exhalait une odeur légère de… rose. Une senteur  féminine, toute en délicatesse. En son fort intérieur, il en fut soulagé mais cela n’expliquait pas son amnésie ! Ses doigts avec des frôlements légers et délicats glissèrent le long  de la colonne vertébrale. L'inconnue  cambra ses fesses rebondies tout contre son bas ventre. C'était plus qu' agréable, il devait en convenir ! D'une main, il emprisonna le galbe d'un sein ferme au téton dressé. Électrisé par cet attouchement, il hésitait cependant à s'aventurer plus loin. Un soupir de la belle l'engagea à poursuivre son exploration. Sa main descendit  lentement et posa sur un ventre plat. Il s'interrogeait. Pouvait il  descendre plus au sud ? Si sa mémoire lui faisait toujours défaut en cet instant, son corps quand à lui gardait le souvenir de leurs étreintes nocturnes. Dissimulé au cœur d'une toison bouclée l'attendait le temple des plaisirs de sa partenaire mystérieuse.
Une voix légèrement moqueuse, lui murmura.
-      « Vous voilà bien timide ce matin mon bel étalon. Ne me feriez vous pas l’aumône d'une caresse ? »
Apparemment, il n'avait pas fait que dormir cette nuit !
Cette voix de femme mélodieuse, enchanteresse avait un petit accent provençal irrésistible. Envoûté, Côme pencha son visage vers l'inconnue. Elle était belle, sculpturale comme une déesse antique. De magnifiques cheveux châtains rehaussés de mèches rousses flamboyantes encadraient un visage à l'ovale parfait. De petites éphélides constellaient une peau veloutée, couleur d'ivoire très pâle. Elle était la femme idéale et lui... rien qu'un homme imparfait. Quand les eaux glacées de l’Antarctique se braquèrent sur lui. Il fut vaincu ! Mutine, la jeune femme  lui souriait. Ses lèvres charnues, gonflées comme un fruit mur l'attirèrent comme un aimant. L'homme ressentit le désir impérieux de couvrir de baisers cette bouche entrouverte, d'en prendre possession. Le désir le consuma instantanément. Côme céda à ses injonctions et  rendit les armes aux pieds de cette superbe tentatrice! Son exaltation explosa et trouva son exutoire dans un corps à corps sensuel.
 
***
Les quelques jours de vacances que s'octroyèrent les amants, passèrent à la vitesse d'une comète dans le ciel étoilé d'une nuit d'été. Rapide, fugace, le bonheur laissait dans le sillage des amoureux une traînée de poudre scintillante et magique. N'était ce pas l'essence même de  l'amour ? Toutes les  nuits passées avec cette femme merveilleuse se terminait en apothéose de plaisirs. Avec elle, le sexe devenait un art ! Elle était le chef d'orchestre de leurs orgasmes et dirigeait la partition avec maîtrise. Jamais Côme n'avait n'avait jouit autant ! Il connaissait bien les plaisirs de la chair, il s'en flattait même. Cependant à aucun moment de ses histoires précédentes, il n'avait ressentit une telle intensité pendant les rapports physiques. Entre les bras blancs de sa muse, il découvrait un nirvana de sensations plus exquises les unes que les autres. Pourtant, alors qu'une torpeur bienheureuse engourdissaient les sens de Côme après l'acte sexuel, son esprit cogitait.  Un soupçon de rationalité ne tarda pas à poindre le bout de son nez. Insidieux, il distilla goutte à goutte son venin dans l'océan de félicité bienheureuse qui nimbait le couple. Car chaque nuit, après des étreintes fougueuses et passionnées, l'homme sombrait dans un sommeil profond. Un trou noir occultait sans cesse sa mémoire. Cet antre de ténèbres le laissait au réveil interrogatif et suspicieux. Seul un narcotique puissant pouvait provoquer cet engourdissement de l'esprit et du corps. L'homme chercha à se rappeler quand commençait cet occultation des sens. La réponse imparable et brutale ne tarda pas à faire jour dans son esprit. Le baiser que son amoureuse lui donnait fougueusement chaque soir après être sortie de la salle de bain signifiait pour lui, le début de l'amnésie. L'embrassade aux saveurs exquises  de chlorophylle et de menthe poivrée était la dernière image qu'il conservait avant de plonger vers l'oubli. Se pouvait-il qu'elle le droguait ? Cette éventualité le fit souffrir mais il décida d'en avoir le cœur net.
Le soir même, après l'amour, Côme feignit un sommeil profond. Il se déroba à l'étreinte de son amante et fut dispensé du baiser rituel. Ils reposaient tendrement enlacés depuis plus d'une heure. Leurs corps alanguis, s'apaisaient  après une nuit de caresses torrides et de phantasmes assouvis. Rien d'étrange ne se passait. Déjà l'homme regrettait ses soupçons. C'est alors qu'il sentit sa compagne s'agiter tout contre lui, elle se dégageait tout en douceur de son étreinte. Quand elle  se pencha pour écoute sa respiration, ses longs cheveux caressèrent son visage. Comme son amant ne bougeait pas, elle l'embrassa furtivement sur la bouche. Puis lentement, elle se leva et s'approcha de la fenêtre ouverte. D'un geste sec, la belle écarta les rideaux occultant. Dans le ciel nocturne brillait une lune pâle et  pleine. Les rayons d'argent caressèrent amoureusement le corps svelte de la jeune femme. Sous la clarté lunaire sa peau brillait d'une aura scintillante. Cette lumière pulsait doucement  et... peu à peu l'image de la jeune femme se modifia. A travers ses paupières mi-closes,  Côme observa les contours de sa maîtresse se troubler.  Elle devenait plus compacte, plus petite aussi.  Une métamorphose s'opérait ! Cette transformation fit dresser les cheveux du jeune homme. Elle lui chamboula le cœur et le fit douter de sa raison. A la place de la sublime amante de ses rêves, demeurait maintenant  une magnifique chouette des neiges blanche et grise. Posée sur le bord de la fenêtre, l'oiseau lissait ses splendides ailes couleur de cendres dans l'air frais de la nuit. Perturbé, Côme se mordit l'intérieur des joues jusqu 'au sang. Il ne devait surtout pas hurler ! Ne pas manifester sa peur. L'homme s’exhorta au calme et poussa un long soupir. Un court instant le noble prédateur tourna vers le dormeur  ses pupilles d'azur glacé et cligna des yeux. Puis dans dans froissement d'ailes, l' oiseau nocturne s'envola dans le ciel enténébré piqué d'étoiles scintillantes.
Que venait il de se passer? Côme se posait mille questions. Ses sens lui jouaient ils des tours? Souffrait il hallucinations ? Toutes ces interrogations se bousculaient dans son cerveau enfiévré. De toute la nuit, il ne trouva pas le repos. Le sommeil lui refusait son généreux apaisement. Tendu, les nerfs au bord de la rupture, il se résolut à attendre le petit jour et que revienne vers lui son aimée énigmatique.
 
DENOUEMENT
 
Alors que l'aurore teintait de rose l'horizon, un doux battement d'ailes tira Côme de sa rêverie. Dans l'encadrement de la fenêtre, le bel oiseau venait de se poser. Il regardait l'homme de ses grands yeux bleus. Lentement, l'enveloppe luminescente réapparut. Dans la clarté miroitante, la chouette se retransforma en  belle jeune femme à la silhouette tentatrice. Féline elle s'approcha du lit.
Le dos appuyé contre une pile de coussins, Côme la regardait venir vers lui sans mot dire. Elle posa sur sa poitrine, une main fraîche et légère. Puis lui demanda d'une voix emplit de tristesse.
-      « Mon amour pourquoi avoir voulu connaître mon secret? N'étions nous pas heureux ? 
-      Oui... peut être ! Mais l'absence de souvenirs au petit matin me perturbait !
-      L'ignorance te protégeait mon aimé!
-      Comment te faire comprendre ma belle !   Les pertes de mémoire récurrentes au petit matin m'effrayaient. Je sentais que quelque chose n'allait pas chez moi. Je devais m'assurer que je ne devenais pas fou !
-      La folie n'était elle pas préférable à la vérité ? Car je ressens ta peur à présent !
-      En effet, mon âme est en déroute car elle ignore ta véritable nature. Le doute c'est insinué en moi. Tu es belle assurément mais maintenant tu m’effrayes.
-      Je comprends mais c'est dommage ! Je... je tenais beaucoup à toi Côme !
-      Pourquoi tenais ? Certes je déteste les non-dits et les secrets mais maintenant....
-      Maintenant notre histoire s'arrête ici. J'en suis navrée et  tellement triste si tu savais !
-      Non impossible !  Quel abominable secret pourrait nous séparer ? Je t'aime et je serai prêt à tout accepter pour l'amour de toi.
Un soupir s'échappa de la poitrine de la  femme. Un sourire fantomatique étirait ses belles  lèvres vermeilles.
-      Il est des circonstances qui sont hélas plus infranchissables que les plus hauts sommets des montagnes mon amour. Des faits qui ne peuvent être transgressés ni par les hommes... ni par les dieux ! !
Voyant l'air  interrogatif de son compagnon, la beauté glacée reprit d'une voix rendue presque atone par l'émotion.
-      Mon amour, si mon apparence t'as séduit dés le premier regard... c'est parce que tout en moi est fait pour plaire. Comme l'oiseau dont je porte l’effigie sur ma peau, je suis  une prédatrice. Mes proies sont les êtres humains.
-      Des... des humains pourquoi parles tu ainsi ?
-      Je suis différente de l'image que je donne ! Côme peu m'importe que vous soyez jeunes, vieux, riches ou pauvres. Votre sexe me laisse indifférente !  Tous un jour ou l'autre finirez par me suivre !
-      Mais qui es tu donc vraiment ? » Murmura Côme dans un souffle.
Lentement elle haussa ses épaules étroites dans un geste fataliste. L'arc parfait de ses sourcils se leva  légèrement. Les paroles qui franchirent à cet instant ses lèvres s'envolèrent dans un silence mortel.   Chaque syllabe, chaque intonation se répercuta violemment contre les murs de la chambre. Dans la pièce à coucher de la maison d'hôtes, la température chuta brusquement, il faisait plus glacial qu'à l'intérieur d'un  tombeau millénaire. Un à un, les  mots s'enfoncèrent profondément dans  le cœur, le cerveau et l'âme de l' homme. Ils le dévastèrent à tout jamais .
Un rire sarcastique lugubre comme une plainte issue de la nuit des temps  s'égrena dans la pièce.
-      « Ce que je suis ? Difficile à dire !  Au cours des... milliers d'années de mon existence j'ai porté bien des titres. Certains hommes m'ont adoré comme une reine et ont érigé des temples à ma gloire. D'autres ont honnis mon existence. Ils m'ont pourchassé en me traitant de sorcière. Pour ces âmes simples j'étais le suppôt de Satan, la servante des enfers.
-      Impossible, tu ne peux être aussi âgée !
-      Tsss, Tssss... que sais tu de moi Côme? Rien ! Dans le folklore populaire, j'ai revêtu maintes formes et dans chacune d'entre elles une part de moi se dévoilait.
-      Es tu une déesse ? Un démon ?
-      Qu'importe le nom dont on m'affuble... vampire, succube, banshee tous sont vrais. Plus prosaïquement je suis l'une des filles  de la Mort !
-      La fille de.... impossible ! Les dieux et les déesses ne sont que des inventions du passé créer par  l'esprit des hommes faibles pour interpréter l'inexplicable...
Doucement, elle posa une main blanche sur la bouche de Côme. Un sourire très doux illumina son visage tandis des larmes cristallines roulaient sur ses joues pâles.
-      Hélas Côme... J'aimerai tant que tu ai raison mais... je … je... je ne suis que moi même ! La messagère de la mort.
-      Hein...
-      Chaque  nuit j'accompagne les âmes des morts à travers  le miroir des apparences ! Passeuse d'âme je suis et je le resterai à jamais. Tel est mon rôle.
-      Vais je donc mourir ?
Lentement, la femme acquiesça.
-      Si je suis à proximité de  toi c'est que ton heure est proche. Mais... depuis bien longtemps, aucun humain ne m'avait attirer comme toi. Tu me plaisais Côme. Pour te charmer ou t'apprivoiser... j'ai revêtu cette forme ! Bientôt tu quittera ce monde pour un autre mon aimé... peut être meilleur... peut être pas ! Seule la roue de  la destinée en décidera ! Mais  en qualité de passeuse des mondes je t'accompagnerai dans ton voyage.
-      Hola, c'est de la  folie... pourquoi me racontes tu de telles sornettes. C'est démentiel ! La Mort ne peut être incarnée... je ne te crois pas  !
-      Vraiment mon ange, alors dit moi... mon prénom ? »
Lentement elle approcha son visage tout près de celui du jeune homme. Avec une infinie douceur la belle posa ses lèvres sur la bouche masculine. Malgré sa volonté farouche de résister à l'engourdissement qui  s'emparait de lui, Côme sombra dans  le néant. A la seconde ou ses paupières se fermaient, une voix suave murmura à son oreille.
-      « Tu l'ignore mon nom car je ne te l'ai jamais dit Côme. Je suis  Noctua, la fille aînée de la Faucheuse. Bientôt mon amour... très bientôt nous serons réunis ! »
Quelques heures plus tard, Côme émergea d'un sommeil profond qui le laissa nauséeux. Un sentiment de perte  intense s'imposa à lui, son cœur le faisait atrocement souffrir. Sa main hésitante recherchait à ses côtés, une présence qu'il ne trouva pas. Il était seul dans un grand lit froid! Seul... pourtant il avait l'intuition que quelque chose ou quelqu'un l'attendait... ailleurs ! 
Ses yeux se posèrent sur une plume argentée posée bien en évidence sur l'oreiller proche du sien. Côme fronça les sourcils, quelques chose d'important lui échappait. Il se souvint vaguement d'un rendez-vous. La promesse diffuse de retrouvaille prochaine mais tout était si nébuleux qu'il renonça à approfondir ce sentiment diffus.
 
***
Sans impatience, mais confiant dans le destin, Côme avait pris la route ce matin là. Or la fatalité l'attendait au bout du chemin. Une nappe de brouillard surgit brusquement du néant ! Le crissement des pneus... le choc du camion contre la  carrosserie de sa voiture. La douleur qui avait explosé dans tout son corps. Il souffrait comme, jamais il n'avait souffert. Son calvaire allait au-delà des mots et des gémissements. Il allait mourir aujourd'hui ! Toutes les fibres de son corps le lui annonçait et même si les neurones de son cerveau se rebellaient contre son acceptation si facile, il savait ! Il n'était pas plus  traumatisé que cela ! Tout cela avait un sens, il comprenait ! Elle viendrait pour lui. Elle lui montrerait le chemin vers l'infini... Elle... SA messagère … La fille de la mort. Côme soupira et ferma les yeux. Insensible au brouhaha qui bourdonnait autour de lui. Indifférent aux demandes pressantes des pompiers. Déjà dans sa psyché, il entendait le froissement doux des ailes d'un oiseau de nuit magnifique.
Le rapace spectral arrivait. Une poignée de secondes plus tard, il se posait sur le pare-brise éclaté de la voiture. Sa petite tête penchée sur le côté, Elle le regardait de grands yeux d'azur givré.
Un mot... un seul mot... ardent comme une prière franchit le seuil des lèvres exsangues de Côme.
-      « Noctua ! »
Presque instantanément  une forme féminine, éthérée et diaphane se matérialisa. Elle s'approcha de son pauvre corps meurtri. Elle était belle... si belle ! Elle posa ses doigts légers sur son cœur palpitant, il se cabra comme un cheval rétif puis...  cessa de battre. La fille de la Mort en recueillit religieusement le dernier battement. La bouche entrouverte, elle aspira le dernier souffle du jeune homme. Bienveillante la fille de la Mort lui épargnait des souffrances inutiles. Côme s'abandonna à son étreinte mortelle.
Autour du conducteur prisonnier de l'amas de tôle froissée, les secouristes s'affolaient.
-      « Vite, il s’enfonce ! On le perd ! »
Se perdre ? Non, lui se retrouvait enfin !
Pour la toute première fois de son existence, il se sentait aimé, désiré au-delà des apparences physiques. Il  plongea dans le regard bleu de son aimée. Devant lui, s'ouvrait une infinité de possibles. Sans appréhension, ni regret, il abandonna sa carapace d'humain vide et désarticulée. Noctua l'attendait ! La Mort était si belle !
 
 
FIN




Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum