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 "Les Fouineurs" de Ludovic Heredia Empty "Les Fouineurs" de Ludovic Heredia

Mer 25 Aoû - 17:09
— À droite toute Georges! On a une ouverture suffisamment large pour le Triomphant, ordonna le capitaine du submersible, Hugo Robinson.
Le nouvel apprenti marmonna quelques paroles inintelligibles avant d’actionner le gouvernail électrique. Le sous-marin se positionna en quelques instants devant l’entrée, éclairant la façade d’un bâtiment submergé par les eaux depuis plusieurs centaines d’années. Au plus fort de la crise écologique, une élévation de la mer de près de cinquante mètres s'était produite en l’espace de seulement quelques décennies, surprenant la plupart des zones de peuplement côtières. Le conglomérat, regroupant les plus puissantes firmes du monde avait vacillé avant de s’effondrer, laissant l’humanité s’épuiser en querelles futiles et stériles.
 
— Tu penses vraiment qu’il va pouvoir rentrer là-dedans? C’est quand même super étroit, s’exclama Georges. Il avait le don de toujours remettre en cause les décisions du chef de bord.
— En plus tu te rappelles Hugo, la dernière fois qu’on a tenté un trou de cette dimension, la coque s’est fissurée sur ce côté, ajouta t-il en pointant du doigt un joint de soudure clairement visible.
Ce jour-là, le sous-marin avait dû remonter en catastrophe, sans butin et avec en prime un blâme du premier citoyen de leur communauté. Les explorations restaient obligatoires pour assurer la survie de la cité, cette dernière dépendant de la qualité des objets qu’elle pouvait troquer avec l’Ordre.
— Si je te dis que ça passe, ça passe et puis c’est tout. Et je tiens à souligner que l’on a rien déniché ce matin; il faut vraiment qu’on revienne avec un artéfact pour le retour. Hugo commençait à s’agiter (“encore un bon à rien ce nouveau”), avant de reprendre sa contenance habituelle.
— Bon pousse toi, je prends le contrôle à partir de maintenant.
 
L’hélice se remit en mouvement et le sous-marin s'engagea lentement dans le passage obscur. Alors qu’un des flancs allait effleurer un mur de béton, il manoeuvra d’une main experte les gouvernes pour virer un peu plus à bâbord. Il ne put quand même s’empêcher de penser à un instant à sa femme et son fils, pour l’instant en sécurité à New Montréal. Il augmenta ensuite l'intensité des projecteurs afin de compenser la perte des derniers rayons solaires; la seconde exploration de la journée allait pouvoir commencer.
 
La première salle ressemblait fortement à un vaste hall d’entrée, peut-être celui d’une entreprise particulièrement importante par le passé.
— Hmm, c’est prometteur. Je pense que l’on a eu raison de choisir ce secteur peu exploré par les autres fouineurs. Hé toi! Au lieu d’être planté là sans rien faire, va vérifier que les pinces fonctionnent correctement.
— Oui, chef, je vais voir ça, répondit Georges.
— Et tu nettoie mieux que la dernière fois. J’ai envie que l’extraction se passe correctement cette fois-ci, conclut Hugo.
 
L’opération d’extraction était le plus souvent réservée aux membres expérimentés de l’équipage. A l’aide de plusieurs pinces, les artefacts comme les précieux data-disques pouvaient être récupérés et placés dans le sas de décompression du navire. Les données étaient ensuite analysées par les scientifiques de l’Ordre du Renouveau, localisé également à New Montréal, avec la promesse de pouvoir comprendre et copier la technologie perdue depuis le cataclysme. On disait d’ailleurs qu’il n’y avait rien de nouveau dans cette guilde, puisque le noyau dur de l’organisation aurait simplement traversé les âges en changeant de nom après chaque événement majeur.
 
Trop loin pour y voir clairement, Hugo semblait distinguer des formes dans la zone centrale du hall. Il décida donc de continuer l’exploration de la pièce dans cette direction. Il suffit de quelques secondes pour confirmer son hypothèse: sous la lumière des faisceaux lumineux, plusieurs bureaux concentraient une panoplie d’écrans d’ordinateurs tous plus corrodés les uns que les autres. Irrécupérables bien entendu. La bonne nouvelle cependant et qu’il put recopier une carte des lieux, encore collée sur l’une des tables. L’état de cette dernière, pratiquement ruinée par le poids des années ainsi que les remous de l'eau, rendait par contre la tâche fort difficile et Hugo ne put en tirer qu’un croquis grossier.
 
Un des projecteurs en profita également pour rendre l’âme un instant plus tard.
— Jo, ramène-toi! hurla-t-il pour se faire entendre dans tout le navire.
Devenu le technicien de l’équipage, Johan ou Jo de son surnom passait le plus clair de son temps à colmater les micros brèches de la coque d’un submersible trop vieux pour naviguer en toute sécurité. Entendant Jo entrer dans la cabine principale, Hugo s’exprima à nouveau:
— Une des torches a encore lâché, j’ai besoin de cette lumière maintenant!
— Je vais voir ce que je peux faire, répondit Johan, seulement l'onduleur est pratiquement hors-service et nous n’avons pas encore reçu l’aval du supérieur pour pouvoir le remplacer.
— C’est parce qu’on n’a pratiquement plus de pièces de rechange depuis que les mecs du renouveau se sont accaparés la seule usine du coin. Il faut maintenant trois tonnes de matos pour obtenir quelque chose, soupira-t-il. Bon, entre-temps tu peux faire comme d’habitude, deux trois coups de marteau bien placés, d’accord?
— Je vais chercher le matériel, dit Johan en soupirant.
           
Quelques minutes plus tard, des coups sourds résonnaient dans tout le navire et le second projecteur finit par se remettre à fonctionner.
— Bon voilà, ça devrait être opérationnel pour un petit moment, Johan précisa en rentrant de nouveau dans la cabine principale.
— D’ailleurs, dit-il en s’approchant du hublot, on arrive à lire sur le mur du fond, le nom de l’entreprise à qui appartenait cet immeuble: Talor indus…
— Talor industries? coupa le capitaine. C’était l’une des entreprises les plus importantes de l’ancien conglomérat. Spécialisation dans l’armement et les télécommunications.
— Cap, on ne devrait pas fouiller dans ce genre d’endroit. Ce type d'exploration doit d’abord être approuvé par le grand chef.
— Seulement parce qu’il est de connivence avec l’Ordre. Et j’ai pas envie qu’il rafle encore tout le butin pour le filer à ces scientifiques. Moi je pense d’abord à ma femme et à la formation d’Etienne. Tu sais ce que ça représente de nos jours un apprentissage complet pour accéder à l’administration de la cité; ou même d’avoir l’autorisation de rester dans les murs intérieurs.
— C’est vous qui décidez, ou on peut lancer une pièce comme les dernières fois, proposa Johan.
 
Hugo réfléchit une fraction de seconde, avant de retirer une pièce de monnaie de sa poche arrière. D’après les écrits, les pièces servaient à acquérir des biens communs dans une économie mondialisée et stable et de temps à autre de prendre des décisions, comme maintenant. Il s'apprêtait à lancer l’objet en l’air au moment où un cri résonna dans le fond du submersible. Quelques secondes plus tard, l’interphone crépita et laissa entendre la voix de Georges, visiblement surexcitée.
— Capitaine, capitaine! s'exclama Georges. Je suis tombé sur le gros lot!
— Et garçon, c’est pas toi qui est chargé des extractions! rétorqua le quadragénaire.
Quelques instants plus tard, Hugo et Johan rejoignirent Georges en train de s'affairer sur un ordinateur de fortune.
— Bon alors qu’est-ce qui se passe? Hugo gronda.
— Désolé chef, seulement pendant l’inspection des pinces j’ai pu remarquer un éclat lumineux à travers le hublot et tu ne devineras jamais. Un disque en parfait état de fonctionnement! s’exclama Georges.
— Un vrai coup de chance. Le taux de perte devrait être tolérable après l’extraction des données, répondit Johan.
— Exactement, et l’Ordre est prêt à payer une coquette somme pour ce genre de trouvaille. J’ai quand même procédé à une analyse de surface, ça n’endommage pas le contenu de l’appareil. Il pianota quelques secondes, avant de pointer du doigt une section de l’écran un peu moins surchargée de symboles.
— Là, ce début de rapport m’intrigue.
Jolan s’approcha un peu plus de l’ordinateur, l’air perplexe:
— Je vois que ta formation à l’académie de l’Ordre, inachevée certes, te rend bien utile. Moi je n’y comprends pas grand chose à ces dessins par contre.
— Mais non, ce sont des pictogrammes; et très usités par l’ancien monde avant que le climat s’emballe complètement, finit-il par rajouter.
— C’est ça on est tous au courant de la chute du conglomérat, puis de la montée des eaux, des guerres, l’âge sombre, bla bla bla. Ça dit quoi ton charabia? ordonna Hugo.
— Alors, si j’appuie sur ce petit bouton à droite.
 
Subitement, les signes se transformèrent en dalais, la langue massivement parlée sur une bonne partie de l’archipel: “Résumé de la présentation aux investisseurs, six mars deux milles vingt six, projet salamandre: le bilan de la seconde phase de test a été rendu aux partenaires. Les premiers résultats sont satisfaisants, avec une compatibilité des nanorobots proche des quatre-vingts pour cent. La prochaine étude consistera à continuer le remplacement graduel de la cartographie génétique de l’espèce choisie afin de converger vers la valeur cible de quatre-vingts quinze pour cent. Cependant, il a été remarqué que le sujet devenait instable au fur à mesure de l’intégration des nanorobots, une rallonge supplémentaire sera alors nécessaire af… de….
— Bon, la traduction s’arrête là. Hmm, c’est bien ce que je pensais, le reste de cette section est crypté. Étonnant qu’on ait pu avoir accès à ces premières lignes d’ailleurs, dit-il, en revenant à l’écran initial.
— On est peut-être tombé sur un de ces fameux laboratoires de recherche. Quelques rumeurs arrivent de temps à autre en ville, avec son lot de disparitions, expliqua Johan.
— Une nouvelle fois, l'Ordre serait prêt à payer une fortune pour ce que l’on pourrait y dégoter. Ça me donnera même une chance d’amasser les ressources nécessaires à un long voyage. Bye bye New Montréal et l’académie de cinglés, ajouta Georges.
— Avant de penser à partir, il va falloir trouver de quoi échanger, contra le capitaine. J’ai trouvé une carte tout à l’heure et effectivement un vaste complexe souterrain y apparaît. Alors, on descend, on récupère rapidos les data-disques et on se barre vite fait.
— Et on fait comment si on trouve un de ces ‘spécimens’? Peut-être que la coque du sous-marin n’est pas assez résistante, se demanda Georges.
— Si vous me permettez capitaine, l’intensité du répulseur peut-être accrue de trente pour cent, mais les batteries ne supporteront pas longtemps la demande énergétique accrue, expliqua le technicien.
— Il marche suffisamment pour repousser les grands requins, ça pourrait faire l’affaire. Charge toi de ça. Georges, reviens aux commandes, les chances sont plus faibles que tu fasses une conneries si tu n'es qu'à deux mètres de moi.
 
Un instant plus tard, le bruit caractéristique du propulseur arrière se fit entendre et le sous-marin reprit sa progression dans les profondeurs de l’océan.
La pièce suivante présentait des arrangements de bureaux en rosace ou marguerite, très typique des open-spaces. Ici, la couche de sable et de poussière enveloppait comme une gange la plupart du mobilier, et il était difficile d’y voir les artéfacts présents. Le visage presque collé contre la paroi de plexiglas, le capitaine scrutait la pièce, tandis que Georges s’affairait à manoeuvrer sans perturber le silence total des lieux. De par les conditions difficiles, l'exploration ne donna rien de concret et aucun disque ne put être déniché.
 
— On va devoir avancer encore un peu, je ne vois rien ici, concéda le capitaine.
— Hein, pardon? Georges commençait à piquer du nez et répondit seulement quelques temps plus tard. D’accord, d’après ton croquis on va pouvoir descendre dans les sections inférieures un peu plus loin sur la gauche.
— Très bien, actionne les gouvernes, rotation de … Hé, attends!
De l’autre côté de la salle, une lumière verte pulsait doucement sous quelques débris.
L’intensité cependant assez faible avait échappé à l’équipage jusqu’à maintenant.
— C’est pas censé être rouge la LED des disques? s'interrogeait l’adolescent.
— Normalement oui, ce qui veut dire qu’on a peut-être dégoté le gros lot. L’eau est devenue trouble avec le sable que l’on a remué, on va devoir s’approcher pour confirmer.
Le sous-marin pivota une nouvelle fois et se dirigea vers la nouvelle source de lumière. Cependant, à une vingtaine de mètres, l’éclat s’estompa d’un coup.
— Qu’est-ce qui se passe, la lueur vient de disparaître! s'exclama Georges.
— Oui merci je le vois bien. Stand-by à partir de maintenant.
Georges arrêta l’hélice ainsi que l’éclairage principal. A partir de maintenant, seule une lumière diffuse provenait de la cabine avant. Vingt secondes, trente secondes plus tard et toujours rien.
— J’aime pas ça moi, on m’a appris que les LED éclairent d’une luminosité constante. Ca ne peut pas s'éteindre d’un coup! Le teint de Georges pâlit lorsqu’il prononça ces derniers mots.
— Touche à rien pour l’instant, je vais contacter Johan, informa le capitaine.
Alors qu’il tendait la main vers l’interphone, la lumière verdâtre luit à nouveau, tout en se déplaçant à présent lentement, comme pour contourner le navire sur tribord. Le capitaine tapota alors précipitamment le téléphone avant de parler à voix-basse:
— Jo, tu es-là?
Après quelques crépitements, la voix de Johan se fit entendre à travers l’appareil.
— Oui Georges. La vérification du répulseur est terminée, le statut est fonctionnel. En revanche, la décharge des batteries vient de dépasser les quatre-vingts pour cent, il faudra rapidement penser à activer la catalyse si on ne remonte pas dans la demi-heure.
— Non! Tu va enclencher le répulseur maintenant, on a un contact actif, à quinze mètres de distance. Puissance à cinquante pour cent pour l’instant, on ne prend pas de risque avec nos réserves. Le ton du capitaine ne laissait aucune place à la discussion.
— Certainement, j’active le dispositif de défense à l’instant.
 
Tombant dans le domaine de l’ultrason, les humains n’avaient pas la capacité d’entendre cette haute fréquence. La bête cachée dans la pénombre par contre, si. L’éclat vert s’embrasa, révélant un animal marin, aux membres puissants et massifs. A la fois chair et métal, quelques reflets métalliques laissaient comprendre que la bête ne se protégeait pas simplement à partir d’une rangée épaisse d’écailles, mais aussi grâce à une technologie maintenant oubliée par les survivants de l’effondrement. Sous le regard apeuré de Georges, le monstre tourna la tête et poussa un hurlement étouffé par la nappe d’eau, avant de foncer vers l’origine du son strident. Des bruits comme des raclements résonnèrent dans tout le navire, et quelques secondes plus tard le voyant d’un malfonctionnement à l’arrière du submersible s’alluma.
— Johan, statut du répulseur, hurla le capitaine dans le talkie walkie.
— Plus de signal, je pense que l’on est sans défense maintenant.
Laissant Georges encore tétanisé de la rencontre hors-norme, le capitaine en profita pour sprinter vers la baie arrière. Il y arriva quelques secondes plus tard et put observer à travers le second hublot un éclat vert luminescent. La bête s’était enfuie par l’entrée qu’ils avaient emprunté plus tôt.
— Évidemment, murmura-t-il.
Récupérant le talkie-walkie du compartiment, il contacta l’apprenti.
— Georges. Georges! tu m’entends?
Quelques secondes plus tard, une voix hésitante résonna dans la pièce.
— Oui chef. La bête est-elle partie?
— Pour l’instant oui, mais elle se planque sans doute dans le hall principal. On va devoir trouver une autre sortie, tu vas donc devoir manoeuvrer le sous-marin à travers l’escalier. Je vais rester en arrière, vérifier que le monstre ne nous pourchasse pas.
D’une main peu assurée, la dernière recrue du submersible pilota le sous-marin dans les profondeurs du complexe. L'escalier reliait sûrement la plupart des étages, et ce dernier descendit rapidement d’une cinquantaine de mètres. L’augmentation de pression provoqua quelques craquements sinistres dans la coque, on arrivait de toute façon à la limite de descente du submersible. Après un dernier raclement métallique, la coque toucha le sol du dernier étage et Johan activa le processus d’électrolyse.
 
Redécouvert quelques années plus tôt, les technologies de l’hydrogène avaient marqué la fin du conglomérat, dans un but vain de stabiliser un climat se dégradant de manière exponentielle. Pour un vaisseau de la taille du Triomphant, seulement une heure à deux heures suffisaient pour recharger les batteries via la pile à combustible; enfin pour peu que l’appareil ne soit pas complètement corrodé par l’eau de mer.
 
— Chef, nous avons un problème, annonça Johan en rentrant dans la salle de contrôle. Les batteries ne se rechargent pratiquement plus, l’appareil est bon à être jeté.
— Encore? La dernière fois on avait pu le redémarrer et terminer l’expédition, qu’est-ce qui a changé? Rétorqua le capitaine.
— Et bien, j’ai vérifié deux fois, et on a plus de quoi le nettoyer. Je pense que quelqu’un a encore oublié de faire l’inventaire ce matin, dit-il en posant son regard sur Georges.
— Quoi, moi? C’est juste que j’étais, et bien j’ai eu une nuit vraiment courte, alors j’ai peut-être oublié deux trois choses. Georges était visiblement mal à l’aise au fur à mesure que la discussion avançait.
— Et bien, encore une bourde de notre apprenti, pas étonnant qu’on t’ai viré de l’académie! Va t-on pouvoir au moins remonter jusqu’à la surface? Continua le capitaine.
— Et bien il reste un bon tiers de la charge; alors en faisant attention à la puissance affectée aux torches, on devrait pouvoir s’en sortir.
— Ok, très bien. On va continuer à explorer le complexe et prendre la première sortie disponible, acheva Hugo.
 
Durant l’heure suivante, le submersible continuait l’exploration de la partie inférieure du complexe, les salles se succédant à de nouvelles salles. Sans l’équipement requis pour déplacer les débris, le capitaine du se résoudre à abandonner une partie des pièces condamnées par des monticules de sable et de béton. Un autre data-disque fut trouvé miraculeusement sous une étagère métallique, cependant un examen rapide avec l’ordinateur de bord démontra que ce dernier serait pratiquement inexploitable.
L’humeur de l’équipage devenait morose au fur à mesure que le temps s’écoulait, ou que le clignotement des batteries devenait de plus en plus insistant. Finalement, la pièce s’élargit brusquement et une immense double-porte blindée à moitié enfoncée se tenait devant eux. Johan scrutait méticuleusement le battant de la porte avant d’annoncer:
— Regardez Hugo, on peut observer des marques de griffes sur une grande partie de la surface. La profondeur des sillons est de plusieurs centimètres dans ce qui semble être du métal d’excellente qualité. Je n’ose pas imaginer les dégâts si l’animal était resté plus longtemps sur la coque.
— Et bien on va surtout ne pas le croiser à nouveau. Vitesse lente, on ne veut pas faire de bruit.
 
Le capitaine avança donc précautionneusement, à l’affût d’une lueur ou d’un mouvement suspect. Les ondulations tranquilles de l’épaisse couche de poussière trahissaient le mouvement du submersible, dans un environnement aussi calme qu’un mausolée de l’ancien temps.
Un peu plus loin, ils passèrent devant une rangée de réservoirs, aux parois fracassées. Pour rajouter à l’ambiance sinistre, de l’équipement spécialisé jonchait le sol de ce qui devait être un ancien laboratoire.
— Capitaine, il n'y a rien ici, les données importantes ont dû être rangées dans une pièce sécurisée. Puis-je jeter un coup d'œil à votre croquis? continua le technicien.
— Prends-la, elle est à côté du tableau principal de commande.
Johan scrutait la “carte” plusieurs minutes, en silence, lorsque tout d’un coup son visage s’illumina.
— Et bien, cette zone est prometteuse, je pense. Les pièces sont plus petites, comme des annexes à ce gigantesque laboratoire.
— Est-ce qu’elles sont bien sur le chemin du retour? s’interrogea le capitaine.
— Ces deux-là oui. Regardez, ce sont celles-ci, dit-il en proposant la carte à Hugo.
— Bien, ça fera l’affaire.
— Georges, ajouta t-il, au lieu de jouer avec l’unique crayon du navire, tu va analyser en profondeur le data-disque que tu as trouvé plus tôt.
— Mais, si je l'abîme? Protesta Georges.
— Et bien ta paye sera réduite, alors fais gaffe.
 
Le capitaine ne perdit pas plus de temps et manœuvra le submersible en direction de la pièce ciblée la plus proche. Cependant, l’ouverture était un peu étroite, ce qui fut confirmé par un bruit sourd lorsque le linteau de la porte se brisa contre la coque externe.
Comme depuis le début de l’exploration, du matériel informatique inutilisable constituait  la majeure partie des artefacts visibles. La seconde pièce, un peu plus petite, n’offrait pas plus de butin. Une nouvelle fois, un des projecteurs se mit à dysfonctionner en projetant la lumière par intermittence. Peu rassurée et à la merci de leur environnement, le chef d’équipage décida de revenir dans le laboratoire.
 
— Jo, combien de temps avant de devoir remonter à la surface, demanda le père de famille.
— Environ vingt-cinq minutes capitaine. Je propose que l’on trouve ce deuxième escalier aussi vite que possible. Comme indiqué sur votre carte, il faudrait avancer encore …
— Merde! C’est quoi ça?
Hugo détecta un mouvement sur le côté, pratiquement hors de portée des faisceaux lumineux. Une faible lueur verdâtre trahissait la présence d’une nouvelle créature.
— Je ne sais pas si elle nous a repéré, on va devoir par contre continuer à avancer. Hugo, surveille la bien, je veux savoir si elle devient agressive.
— Georges, continua le chef d’équipage à présent à côté de l'interphone. Des bonnes nouvelles.
— Et bien, je pense être tombé sur un autre paragraphe non crypté. Donne moi deux trois minutes, le temps de faire quelques manipulations afin de pouvoir le lire.
— On ne les aura pas fiston, active toi!
Le submersible continuait à progresser en direction du fond de la salle, dans l’espoir d’échapper à ce qui s’apparentait. Des cuves en plexiglas, elles aussi brisées, remplaçaient les réservoirs découverts un peu plus tôt. Johan cru également apercevoir une créature partiellement masquée par le sable, mais aucune luminescence ne se dégageait de son corps; elle devait être morte.
— Hugo, ça se complique. J’ai discerné deux autres spécimens, et ils commencent à se rapprocher de notre position. Ils peuvent nous couper la route à tout instant, si on maintient une allure faible.
— Fait chier. Plein gaz alors!
 
Le navire accéléra brusquement et parcouru rapidement le reste de la distance, avant de tomber sur une porte blindée, elle aussi grande ouverte. Seulement, cette-fois ci elle était gardée par une autre créature, plus grande, plus puissante et illuminée d’un halo bleu. Dans une posture clairement menaçante, elle regardait fixement le bolide décélérer.
— Non, non et non! Elles sont à ce point intelligentes pour nous bloquer délibérément la route? Hugo finit par reprendre son calme, avant de continuer.
— Une section du mur est écroulée sur bâbord, on va s’engouffrer à l’intérieur.
Sans hésitation, le capitaine actionna les manœuvres. Nouveaux bruits atroces de métal raclant contre les parois, le submersible avait franchi l’ouverture en un seul morceau.
Les murs se resserrent presque aussitôt, et le sous-marin avançait alors dans un tunnel de construction primitive. D’innombrables traces de griffes trahissaient le passage des bêtes de laboratoire. Surprenant à la fois les deux hommes, les roches de la fin du tunnel reflétaient une douce lumière bleue.
— Hugo, annonça le technicien, cette lumière ne peut pas être naturelle, à cette profondeur.
— On n’a pas le choix, on avance. Et je ne vais pas tenter une manœuvre de recul avec nos amis derrière nous.
L’interphone crachota à côté de l’écoutille.
— Chef, je viens de terminer le paramétrage et c’est vraiment bizarre, commença t-il. C’est un second rapport écrit quelques semaines après celui que l’on a récupéré. Ça parle en détail des effets secondaires constatés par l’utilisation des nano-robots sur ces créatures maritimes. Hypersensibilité à certaines fréquences sonores, dégénérescence des cellules fortement ralenties et possibilité de COMMUNICATION.
Le dernier mot se substitua à la voix de Georges au moment où le sous-marin émergea du tunnel dans une caverne sous-marine. L’éclat des parois incrustées de cristaux principalement bleus ou verts se confondait avec celui des dizaines de bêtes entourant le submersible. Quelques-unes, celles aux luminescences les plus faibles, s'agrippaient par contre aux zones riches en cristaux.
Les autres, disposées sur la surface d’une demi-sphère dont l’origine coïncidait avec la position du navire, synchronisaient leurs mouvements à la perfection. Leurs corps s’embrasèrent au moment même où l’éclairage devint instable dans tous les compartiments du Triomphant.
COMMUNICATION, CONTACT. REVANCHE.


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