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"L'Humastre primordial" d'Anthony Kontz Empty "L'Humastre primordial" d'Anthony Kontz

Sam 8 Mai - 15:39
Une lumière vaporeuse émergea, se propagea, accéléra dans un ciel nocturne étoilé. Ce halo resplendissant retint l’attention de tous par son éclat hypnotisant. Ce trait d’un bleu azur s’éclaira, s’amplifia, se fractionna. La boule intense devint millier de particules disparates, segmentant son éclat et embrasant ce ciel nocturne constellé tel un océan d’un bleu pur. De cet éclatement naquit un noyau d’un bleu intense, noyau fractionné à son tour telle une craie s’effritant au gré des écrits. Le tout percuta le sol de la Terre, que ce soit particules disparates, noyau fragmenté, mais aussi un cœur indestructible. Ce cœur était d’une luminescence divine. Les particules touchèrent la population. Le noyau d’un bleu intense toucha que quelques individus. Le cœur d’une luminescence divine se perdit dans une contrée sauvage. Chacun, à sa manière, changea le cours de l’humanité.
 
*
 
Un individu ensanglanté observa son adversaire d’un air de défi. Son regard était vide, ses yeux pleuraient des larmes de sang, de sa mâchoire serrée coulaient des filets de bave rougeâtre. Son rival le toisait, mettant au défi son envie d’en découdre. L’énervement prit le dessus et son teint blanchâtre se rougit. Ses muscles gonflèrent, ses vêtements craquèrent. Il enfla d’un bon vingt centimètres en une minute.
L’homme ensanglanté au regard vide chargea, mais son ennemi s’écarta tout en le frappant de son poing droit. Il fut déstabilisé et ne put le maîtriser comme il l’aurait voulu. La personne au regard vide se releva et attaqua de nouveau, avec une rapidité que ne lui connaissait pas son ennemi. L’individu musclé fut surpris, et il se retrouva au sol. L’homme enragé lui éructa des obscénités au visage, postillonnant sa haine. L’adversaire détourna la tête à temps, évitant toute ingestion hostile. Sa musculature était impressionnante, mais il se sentait démuni, détournant le visage pour éviter toute contamination fatale. Il se débattit, esquiva les coups comme il le put, puis un flot de sang continu le submergea.
  Le corps de l’individu enragé tomba sur le côté. L’homme musclé se releva, le visage en sang. Il ne vit rien, mais comprit. Une ombre apparut, puis cette ombre devint femme.
— Pourquoi me suis-tu, Luna ? Je m’en sortais très bien.
La femme aux jolis cheveux d’un noir intense s’approcha de l’homme musclé, qui perdit toute musculature acquise tout aussi rapidement. Son teint rouge redevint blafard. Luna sourit, puis baisa la joue droite de l’homme musclé.
— Mais de rien Mars, ce fut un plaisir de t’aider.
Mars se dégagea de cette étreinte amicale tout en maugréant.
— Pas besoin de toi, je suis assez fort pour m’en sortir sans… heu…
— Une femme frêle comme moi ? Mais mon pouvoir t’a bien servi, non ?
Mars rougit, haineux. Luna tourna autour de lui et caressa son torse dénudé.
— Mars, mon modeste Mars, que tu peux être macho quand tu veux. Ensemble, nous y arriverons, mais toi, en plus d’être misogyne, tu es égoïste.
— Ah non, rétorqua-t-il, je t’interdis de dire ça. Tes parents ne t’ont vraiment pas bien…
— Ne parle pas de choses dont nous ne pouvons nous souvenir, le coupa-t-elle. Tu sais très bien que nous, Humastres, avons perdu toute mémoire d’avant le Parasitage.
— Je le sais Luna, je suis comme toi, aucun souvenir. Je ne me rappelle même pas m’être fait percuter par cette saloperie.
— Par le noyau, cela se nomme un noyau. Sinon, ce monde ne serait que violence, mais bon, parasité ou pas, toi, tu aimes la violence, n’est-ce pas mon grand ?
Mars prit sur lui pour ne pas s’énerver, mais Luna surenchérit. Mars devint rouge de colère, sa musculature se développa. Il hurla et frappa un tronc.
— Que j’aime quand tu es tout musclé, ricana-t-elle.
— Va chier Luna.
— Que tu es poétique mon gros ! Raconte-moi tes songes ?
— On s’endort tous le même rêve en tête Luna, tous les Humastres.
— Je sais, mais je veux entendre ta version.
— Je rêve du cœur de l’objet céleste. Il est d’un bleu tellement intense qu’il m’éblouit. Il m’appelle, il me dit : « Mars, viens à moi. Mars, j’ai besoin de toi ». Il répète cette phrase, tout le temps, sans s’arrêter.
— Effectivement, nos songes sont identiques, sauf que moi, il me nomme Luna. C’est fou de ne connaître que son nom d’emprunt grâce à un rêve. Et que dire de notre but…
— Quête Luna, c’est une quête. Le cœur primordial de l’objet céleste peut nous permettre de mettre fin à toute cette folie.
— Comment peux-tu en être sûr ? Tu n’en sais rien. Toi, ce qui t’importe, c’est la gloire, devenir un héros. La seule chose que tu veux, c’est d’évoluer en Humastre Primordial.
— N’exagère pas, hurla Mars, je te…
Luna disparut. Mars reprit sa forme d’origine, puis souffla.
— Petite peste. Profiter de sa carrure enfantine pour amadouer son petit monde, sauf que ça ne prend pas avec moi.
Mars poursuivit sa route vers son ultime but : le cœur primordial.
 
*
 
Il sentait qu’il était proche, ses rêves le lui indiquaient. Ses chimères étaient toujours les mêmes, toutes les nuits, depuis le Désastre. Cinq ans qu’il errait, cinq ans qu’il cherchait des signes de son passé, cinq ans à se perdre. Il se rappela le jour du Désastre, quand il se releva, sans comprendre pourquoi il s’était évanoui. Ce jeune homme s’était redressé, un infime trou au torse coloré en son tour d’un bleu pur. Il ne savait pas ce qui lui était arrivé, il ne s’en souvenait plus. Rien n’avait changé dans son entourage… en apparence.
Décontenancé, il décida dans un premier temps de se mettre à l’abri. Il se réfugia au sein d’une ferme inhabitée remplie de nourriture en tout genre. Il y passa la nuit. Lors de cette nuit, son premier rêve étrange apparut. De ce songe il apprit son nom d’emprunt : Mars. Pourquoi ce nom de planète ? Il le comprit bien vite, se découvrant un pouvoir : devenir surpuissant. Dans ce rêve, un objet d’un bleu divin l’appelle, lui ordonne de venir à lui. Dans un monde dévasté, il est le seul à pouvoir mettre un terme à une expansion de violence et de folie. Tout n’est que ruine, tout n’est que cendre, la planète s’est effondrée. Il y a que flammes aux abords de Mars, que désolation, que dévastation.
Ce rêve revint toutes les nuits, rêve prémonitoire, comme le présume Mars. Il se mit en tête d’advenir à cette demande, de retrouver ce « cœur », le cœur primordial.
Au fil du temps passé, Mars en apprit beaucoup grâce à de fortuites rencontres. Il découvrit ainsi qu’un objet céleste d’origine extra-terrestre heurta la planète de plein fouet. Cet objet n’était pas gros, et il n’avait pas détruit la Terre en la percutant, mais il avait amené avec lui un parasite, métamorphosant toute vie en brutalité meurtrière. Les premiers humains touchés par les particules de cet objet céleste se transformèrent en barbares violents et sadiques. Ils n’étaient plus eux-mêmes, comme si un parasite avait pris leur contrôle. C’est ainsi que le nom de « parasité » apparut. Mars se posa une question : pourquoi lui n’était-il pas devenu à son tour une bête sanguinaire ? À la place, il acquit un pouvoir : se muer, sous le coup de la colère, en monstre surdimensionné et d’une puissance considérable. Et pourquoi le sobriquet de Mars ?
Il le découvrit quand il rencontra un autre être comme lui. Un jour, en l’an 1 après le Désastre, une flaque d’eau quelque peu étrange le happa. La flaque d’eau remonta le long de ses jambes et entoura sa tête, l’empêchant de respirer. Mars, en état de tension extrême, prit de la musculature et réussit à se défaire de son agresseur, qui se reconstitua et devint femme, une jolie femme aux cheveux de jais et aux yeux émeraudes. Mars ne savait que penser de cette situation : une autre personne au pouvoir surréel. La ravissante femme s’excusa, imaginant avoir affaire à un parasité. Elle se nommait Neptune, comme la planète. Elle avait appris que l’objet céleste octroya à quelques individus des privilèges, car son noyau était porteur de dons : l’offrande des astres. Ces rares humains mutèrent en une espèce exceptionnelle porteuse de pouvoir : les Humastres.
Mars comprenait mieux ses rêves, car Neptune était assujetti aux mêmes songes. Était-ce une quête ? Mars en était persuadé. Était-ce une prophétie ? Neptune était de cet avis, envisageant la fin proche au contact de ce cœur primordial.
Neptune rencontra différents Humastres, à l’instar de Mars. Un jour, elle fut comme ralentie, et ce fait était celui de Saturne. Une autre fois, un parasité s’enflamma sous ses yeux lors d’une confrontation mal engagée. Hélios était venu à sa rescousse. Mais un jour, tandis qu’elle supposait tous les Humastres justes et bien attentionnés, elle affronta Pluton. Ce jour, la mort était à deux doigts de la rattraper. Elle put échapper de justesse à l’emprise funeste de Pluton, la mort réincarnée.
Mars venait de faire une belle rencontre, mais il était prévenu, les Humastres étaient bien différents les uns des autres, et ils utilisaient leur pouvoir comme bon leur semblait. Lui-même ne savait que penser de son don astral, dans un monde dévasté par le même objet qui lui procura son offrande.
Il erra donc, plusieurs années, croisant des humains apeurés dans une société devenue violence. Des villes furent réduites en cendre, attaquées par des parasités, infectant des personnes saines. Mars découvrit comment le parasitage se propageait : par la salive. Les premiers parasités, en agressant des sains, contaminaient ceux qu’ils ne tuaient pas. Un postillon, et le sain devient parasité. La contagion prit des proportions internationales et la planète s’effondra.
Les sains restants se réfugièrent où ils le pouvaient, évitant ces bêtes assoiffées de violence. Mars eut une révélation : le cœur primordial était la clef pour mettre un terme à cette escalade de brutalité. Il devait le trouver avant les autres Humastres, car il ne savait pas à quelles fins ils allaient l’utiliser. Il devait le découvrir en premier pour sauver l’humanité d’un dénouement déjà tout tracé.
 
*
 
An 5 après le Désastre, et Mars ne se sentait jamais aussi proche de la fin, fin d’une quête interminable. Ses rêves s’intensifièrent, tout comme son pouvoir. Était-ce un signe ? Mars en était persuadé. Il ne trouvait plus le sommeil, et quand Morphée venait le rattraper, il se réveillait sans avoir pu se reposer, en sueur. Il contrôlait moins bien son don astral, qui se déclenchait sans même être en colère. Il savait qu’il approchait du cœur primordial, car la voix de ses rêves l’interpellait maintenant éveillé. Elle résonnait dans sa tête, sans réussir à en sortir. Elle lui disait être proche, puis cette voix diminuait tel un écho avant de disparaître, pour reprendre de plus belle.
Son crâne allait exploser, Mars devait absolument se reposer. Il traversa un village déserté, aux maisons en ruine, à l’église au clocher détruit, aux voitures rouillées, aux rues vidées de ses habitants. Ce village était isolé, de ces villages dits « paumés », à la ruralité habituellement apaisante, mais en ces temps angoissante. Mars était aux aguets, car il se sentait suivi. Sa carrure était surdimensionnée, depuis un certain temps déjà. Il n’avait pas retrouvé sa stature frêle originale et s’inquiétait, à l’approche du cœur primordial, de ne jamais la récupérer. Va-t-il mourir pour sauver ce qu’il reste d’humanité ? Il n’hésitera pas un instant, être un héros aux yeux de tous : Mars, le mythologique Mars à la carrure herculéenne, sauveur d’une humanité amenée à disparaître. Mars le légendaire.
Souvent il s’était demandé ce qu’il arriverait quand il se retrouverait devant le cœur primordial. Son toucher allait-il mettre fin aux Parasites ? Mourront-ils comme asphyxiés ? Allait-il donner sa vie pour en sauver des millions ? Restait-il des millions de sains ?
Mars se tapait le crâne. Il n’en pouvait plus de cette douleur lancinante, cela était atroce. Il parcourait les rues de ce petit village jonché de détritus en tout genre. Toutes les maisons étaient en ruine, sauf une. Il décida de s’y réfugier car la nuit pointait le bout de son nez. Il entra le plus doucement qu’il le put, puis s’exila à l’étage. Il ouvrit une porte avec comme inscription : Chambre de Lina. Il s’y réfugia. Il y vit un lit de petite taille recouvert d’une couette sale où grouillaient de nombreux cafards. Il ouvrit la fenêtre et jeta la couette. Il s’endormit.
Mars se réveilla en sursaut suite à un cri enfantin. Il se précipita dans la salle du méfait pour y découvrir un homme et deux enfants, recroquevillés dans un coin de la pièce. Ils étaient sains, et Mars souffla. Il s’approcha délicatement de la famille, puis sourit pour adoucir la tension.
— N’ayez crainte, je ne vous ferais aucun mal. Je suis un Humastre et je me nomme Mars.
L’homme, tremblotant, scruta l’Humastre, puis se détendit. Un parasité l’aurait attaqué en lui éructant des insanités au visage. Il se leva tout en caressant les cheveux de ses enfants.
— Je suis le docteur Hulbert, Marc Hulbert. Mon fils s’appelle Léon et ma fille Victorine.
— Elle ne s’appelle pas Lina ?
Le docteur Hulbert se gratta la tête, troublé par cette simple question.
— Heu… non, ce n’est pas notre maison, mais nous ne sommes pas des voleurs.
Mars, se voulant réconfortant, s’approcha de la famille pour s’asseoir et se retrouver à leur niveau. Il s’installa en tailleur et prit son air le plus angélique.
— Pas de souci, ce village est en ruine de toute façon. Vous fuyez ?
— Oui, répondit le docteur, rassuré. Ma femme est morte, tuée par un groupe de parasités. Nous vous avons entendu, et nous nous sommes réfugiés dans cette chambre. Puis le silence est revenu, et ma fille s’est endormie. Sauf qu’un cauchemar l’a réveillée.
— C’était ça ce cri ? Pourquoi être au plus proche du cœur primordial ?
Le docteur, de nouveau, se gratta la tête, comme troublé par une question pourtant amicale.
— Je suis épidémiologiste, l’un des plus compétents du continent. Cette… heu, épidémie de violence, elle est apparue à l’impact de l’objet céleste. Tout est parti d’ici, nous sommes au centre du commencement. Au début, une centaine d’individus seulement furent contaminés. Ce chiffre s’est accru, sans même se soucier du facteur de propagation. Ce… virus, car c’est un virus, se propage par la salive. Tout le monde postillonne, émet de minuscules particules à même de propager le parasitage. Sauf que ces monstres, ce que devient un humain parasité, lui, il vous attaque et vous gueule dessus. S’il ne vous tue pas, il vous contamine. Et ainsi de suite. Cinq ans plus tard, nous en sommes là, à la fin d’une ère. La chute de l’humanité.
— La chute de l’humanité ?
— La chute de l’humanité, répéta le docteur, la chute de l’humanité. Mais vous êtes la preuve qu’une nouvelle ère débute. Vous êtes l’avenir. Le devenir d’une humanité en perdition. Vous êtes, les Humastres, l’espèce supérieure, la suite logique de notre futur. Nous allons disparaître, et vous allez prendre notre place, vous reproduire, et peupler la planète d’êtres aux pouvoirs astraux.
Mars écoutait consciencieusement, mais une petite voix dans sa tête l’empêchait d’être pleinement attentif aux dires du docteur Hulbert. Mars se tapait l’arrière du crâne contre le mur, de plus en plus fort. La paroi s’effrita. La fissure s’agrandit, puis le mur cassa, sous les yeux ébahis du docteur et de ses deux enfants. L’Humastre, se rendant compte de la peur générée à la famille, s’excusa. La petite voix cessa, enfin.
— Donc, reprit Mars, nous sommes devenus une espèce supérieure ?
— Oui, affirma Marc Hulbert, une évolution soudaine et imprévue. Le parasitage tue l’humanité, mais le noyau de l’objet céleste vous rend plus fort.
— Il n’était pas parasité ?
— Pour moi il était parasité, mais je n’ai aucune preuve pour appuyer mes dires.
— Comment se fait-il que je sois devenu ce que je suis devenu ? Impossible, le parasite contenu au sein de l’objet céleste détruit tout sur son passage, et le noyau n’était pas parasité.
— Vous vous trompez, insista le docteur. Réfléchissez. Tout est question de génétique, mais aussi de cellule. Un parasite va se développer dans un environnement apte, comme l’intérieur d’un corps humain. Il va se développer, et modifier drastiquement le génome. Un humain parasité va se transformer en monstre sanguinaire, comment ? Grâce au changement cellulaire. Nos cellules infectées mutent, puis se développent, à l’infini. Nous mutons en barbares dénoués de sens, et nous attaquons, telles des bêtes assoiffées de violence. Le noyau de l’objet céleste était aussi parasité, bien plus que l’objet céleste même, mais la mutation était différente. Elle vous a donné des pouvoirs, au lieu de vous transformer en monstres.
Mars, tu es proche… Mars, viens à moi, n’écoute pas ce fou…
— Nous sommes des monstres à notre manière, rétorqua l’Humastre.
Mars… Mars, lève-toi et approche…
— Peut-être, réfléchit le docteur, peut-être. Sauf que ma découverte la plus importante prouve le contraire. Je vais tout vous raconter. Deux ans auparavant, j’ai rencontré un Humastre au don particulier. Cet Humastre invoquait de petits êtres forts comme la lune, des Titans.
— Uranus.
— Exactement. J’ai réussi à faire des essais dans mon laboratoire maintenant détruit. J’en ai appris énormément, bien au-delà que je pouvais en espérer. Et cette découverte…
Victorine, la fille du docteur Hulbert, poussa un hurlement et montra l’extérieur de son doigt tremblant. Plusieurs parasités coursèrent un sain, mais le cri de la petite détourna leur attention. Ils approchèrent à toute vitesse de la maison abandonnée.
— Ne bougez pas d’ici, ordonna Mars.
 
*
 
L’Humastre accourra au rez-de-chaussée, puis stoppa son élan devant cinq parasités à la bave sanglante. La carrure de Mars se développa, arborant des muscles saillants aux veines proéminentes. Mars attaqua un premier parasité. Un coup de poing bien placé lui transperça le corps, ressortant par l’arrière. Le parasité s’effondra. Trois autres en profitèrent pour lui sauter dessus, pendant que le dernier monta vers les chambres.
Mars… Laisse-les… Viens vers moi… Tu es proche…
Décontenancé, Mars se retrouva au sol, mais réussi à faire valdinguer l’un des trois parasités. Il prit la tête d’un d’eux, puis l’explosa sur le carrelage, l’éclaboussant de petits morceaux rosés. Il devait faire vite, un s’était hissé à l’étage pour attaquer la famille. Le docteur avait des informations cruciales sur lui, sur eux en général. Sans doute en saurait-il davantage sur son amnésie, pour ainsi récupérer la mémoire, amnésie d’une vie en suspens.
Fuis Mars, laisse-les dans leur perdition… Tu es le futur de ce monde…
L’Humastre se tapa la tête, hurla et attaqua les deux parasités face à lui. Un cri féminin se fit écho au sein de la demeure abandonnée. Mars devait faire vite, très vite. Il empoigna l’un des parasités pour l’envoyer sur l’autre, puis sauta. Les deux têtes s’écrabouillèrent dans un bruit étouffé. L’Humastre rejoignit l’étage supérieur au son des cris de Victorine.
Leur sort est la mort… Ne perds pas ton temps… ils sont condamnés…
La petite était recroquevillée au coin de la pièce, yeux rivés sur son père, les tripes à l’air. Le parasité en avait fini avec lui et s’en prenait à Léon, le fils. Mars l’attrapa et le coupa en deux grâce à sa force herculéenne. Le docteur Hulbert était mort, éviscéré. Léon était toujours en vie, blessé au bras… et contaminé. Seule la petite fille n’avait pas été attaquée, apeurée et en boule. Léon accourut vers son père, en larmes. Mars devait agir, mais il ne le pouvait.
Il va se transformer et agresser sa sœur… Tue-le… Ou laisse-le faire… Et viens à moi…
Mars voulait que cette voix disparaisse. Le cœur primordial était proche, et cette voix plus insistante en était la preuve. Il aurait pu en apprendre plus ; il aurait dû en apprendre plus. Mais cet apprentissage était éviscéré devant lui, son fils à ses côtés, vidant son corps de toutes ses larmes. Victorine ne bougeait plus, le regard absent. Mars voulait l’aider, mais l’aider équivalait à la condamner. Le seul moyen de lui venir en aide était d’exécuter son frère, mais la laisser sans défense dans ce monde en ruine revenait à la tuer elle aussi. Les deux enfants étaient perdus, et ils allaient mourir.
Pars… Je suis tout proche… Tu vas devenir l’Humastre Primordial…
Mars, désemparé, se tint la tête entre ses deux énormes mains et ne fit rien. Il partit, laissant derrière lui deux enfants voués à mourir, en toute vraisemblance les derniers survivants d’une espèce en disparition.
 
*
 
Tu es proche… Tu approches… Je sens ta présence…
Mars marchait au sein d’une forêt verdoyante sous un soleil naissant. Les premières lueurs du jour lui réchauffaient le visage, mais sa tête était prête à exploser.
Approche… Viens… Tu y es presque… Tu vas devenir l’ultime élu…
Cette voix n’était présente que pendant ses rêves, mais depuis peu, il l’entendait constamment. Il ne pouvait s’en défaire. Elle faisait écho dans son crâne sans vouloir en sortir. Mais d’où venait cette petite voix de plus en plus imposante ?
Je suis le cœur… l’âme… la vie…
Mars devait retrouver le cœur primordial pour sauver ce qu’il reste d’humanité, s’il reste une humanité. Il devait essayer. La forêt paraissait sans fin, mais la voix se forcit à chaque pas. C’était une preuve de son succès.
Compréhension… Discernement… Conception… Tu vas devenir le maître du savoir…
Mars n’appréhendait pas tout, mais il avançait. Il voulait y croire, il désirait sauver l’humanité d’une disparition précoce, il souhaitait protéger le monde. Mais le monde était déjà en ruine, et il ne restait rien de cette civilisation devenue maître d’une planète dépouillée de son âme. L’Homo Sapiens s’était cru maître de tout, et un petit virus d’origine extra-terrestre avait mis fin à cette grandiloquence.
Je te sens… Tu arrives… Enfin…
Des élucubrations malsaines se firent échos par sa droite. Mars se prépara à une nouvelle attaque. Plusieurs parasités foncèrent vers lui, mais ils étaient nombreux… trop nombreux. Il ne put les compter tant ils abondaient en quantité. L’Humastre attrapa un tronc au sol et l’envoya de toutes ses forces. Trois parasités furent transpercés. Mais Mars était acculé, et il n’arrivait plus à se défendre. Une flaque d’eau apparut au sol, une flaque venue de nulle part. Les parasités lâchèrent Mars, qui recula, regardant ses agresseurs devenir poussière. Un éclair les avait anéantis, les réduisant en cendre.
D’autres assaillants l’attaquèrent, mais un nouvel éclair vint détourner leur attention. Mars put en corriger trois pendant que la flaque en étouffa deux, avant de se matérialiser. Neptune, toujours aussi belle et fringante, lui envoya un petit sourire victorieux. Pendant ce temps, la foudre tomba au sol, volatilisant les derniers parasités en vie. Le grand homme au pouvoir divin s’approcha de Neptune et lui tapota le dos.
— Toujours aussi effrayante ma belle quand tu t’énerves.
Ils te font perdre du temps… Débarrasse-toi d’eux… Ils te font perdre du temps…
— Tu n’as pas l’air heureux de nous voir mon petit Mars. Je t’ai encore sauvé les miches…
— Nous t’avons sauvé, coupa l’homme aux éclairs.
— Je rectifie, Jupiter et moi t’avons sauvé. Mais vu ta tête, cela ne t’enchante guère.
— Barrez-vous, éructa Mars.
Nous n’avons pas besoin d’eux… Tue-les… Ils veulent le cœur… Pour eux tous seuls…
— La ferme !
Jupiter et Neptune se regardèrent avec effarement.
— Nous n’avons rien dit de si terrible Mars. Commença Jupiter calmement. Que se passe-t-il ? Plus le temps avance, plus tu deviens… étrange.
— Non, continua Neptune, tu as toujours été étrange, sauf que maintenant, tu deviens dangereux.
Ils te mentent… Ils se sont associés pour retrouver le cœur… Pour le retrouver…
— Cette voix me rend fou !
— Tu l’entends même éveillé ? interrogea Neptune.
Tue-les…
Jupiter, de sa forme longiligne rassurante, s’approcha de Mars et plaça sa main sur son épaule pour lui chuchoter :
— Tu as toujours cru en une destinée Mars. Tu as sans cesse imaginé sauver l’humanité, grâce à ce cœur, ce cœur que tu considères comme la clef pour libérer les Hommes du parasitage. Cette pensée t’a rendu fou mon pauvre. Nous entendons tous cette voix… en rêve seulement. Toi, c’est la folie qui te parle.
Sornettes… Le cœur te parle… Je te parle… en me trouvant, tu sauveras l’humanité…
Mars attrapa Jupiter et le décolla, sous les yeux ébahis de Neptune. L’Humastre à la musculature démesurée serra le cou de Jupiter. Ce dernier devint rouge et envoya son pied dans les parties intimes de Mars. Il lâcha son emprise, donnant plusieurs secondes de répit à Jupiter. Il en profita pour envoyer un éclair au visage de Mars, qui le détourna et l’évita de justesse. Mais l’arbre derrière lui s’enflamma, s’embrasant en un instant. Le dos de Mars brûla, et Neptune vint l’éteindre en devenant liquide. Mars se débattit, puis attrapa l’homme aux éclairs qui, cette fois, n’eut pas le temps de réagir. Jupiter invoqua la foudre. Elle descendit du ciel pour venir toucher le sol à côté d’eux en une explosion détonante. Mars fut projeté, Jupiter fut étourdi, et Neptune se solidifia.
Tue-les… Ils t’ont menti… Ils veulent ta mort…
Mars reprit connaissance en premier. Il profita du désarroi de Jupiter pour le décoller et l’envoyer au loin. Il finit embroché par une branche, les bras et jambes ballants, du sang s’écoula en grande quantité vers un sol verdoyant.
Continue… Tu es proche… Tue-les tous…
Mars se tapa la tête de ses deux grosses mains puissantes. Neptune était inconsciente… et vulnérable. Elle était allongée, il était au-dessus, son pied prêt à lui écraser le crâne. Mars hésita.
N’hésite pas… Fais-le…
Il leva son regard vers le ciel, des larmes coulant le long de ses joues, puis envoya son pied le plus fort possible. Il observa, et constata. Personne. La rage remplaça l’émoi.
— Mercure, enfoiré.
Mercure était d’une rapidité jamais vue et sauva Neptune d’une mort certaine. Mars, désemparé, regarda dans toutes les directions, sans rien voir.
Fais vite… Ils s’approchent de moi… Fais vite.
Mars reprit sa route. Il courra au son de la voix.
C’est bon… Tu y arrives… Tu es proche…
Mars vit l’entrée d’une caverne. Le cœur primordial était à l’intérieur de cette cavité, la voix lui avait intimé. Il était à l’entrée de la caverne quand il se sentit happé par les pieds, puis il bascula. Il reçut plusieurs coups, mais il ne vit personne les lui envoyer. Mercure. Cet Humastre n’était pas puissant, mais rapide, et chaque coup amenuisait les capacités de Mars. Un coup de poing, un coup de pied, un nouveau coup de poing. Et pendant ce temps, Neptune grimpait vers son visage, étouffant toute vie en lui.
Mars, fou de rage, frappa au hasard. Il percuta la paroi de la caverne, et un rocher s’en décrocha, tombant au sol dans un bruit d’effroi. Neptune se solidifia, retrouvant sa beauté caractéristique. Mais son visage était troublé par l’horreur. Mercure était mort, un rocher en lieu et place de sa tête. Neptune s’agenouilla au pied du cadavre, pleura toutes les larmes de son corps, et cria. Elle ne pouvait s’arrêter tant sa haine était immense.
— Pourquoi, hurla-t-elle, pourquoi ? Enfoiré, nous sommes tous dans le même camp. Tu n’es qu’un monstre.
Ne l’écoute pas… Tu es loin d’être un monstre… tu es l’Humastre Primordial…
Mars entra à l’intérieur de la caverne et frappa sa paroi. Un mur de pierre se forma, empêchant toute intrusion.
 
*
 
Je te sens… Je te sens… Je te sens…
Mars aussi sentait cette force insondable. Il poursuivait sa route à travers ce dédale de rochers et cavités. Son but était à portée de doigts. Mars parvint au bout d’un chemin sombre, seuls quelques faisceaux traversèrent le sol fissuré de la caverne. Il arriva au sein d’une grande cavité avec en son centre un cratère. En contre-haut de ce cratère se profilait un fin rayon lumineux provenant du soleil. Le cœur primordial passa à travers le sol meuble de la forêt et se retrouva dans de cette caverne. Un bleu d’une puissance rare émanait de ce cœur. Mars dut détourner le regard tant la luminescence était impressionnante. Ce cœur vibrait. Il se soulevait, puis s’abaissait, à espace régulier. En se soulevant, la luminescence du cœur était à son paroxysme, impossible à regarder. En s’abaissant, il revenait à une intensité décente.
Mars pouvait sentir l’influence de l’objet céleste, exhaler son âme. Ce cœur était réellement un cœur, au sens vivant du terme. Il consentait aux parasites de survivre et de se multiplier au sein de leurs hôtes. Il en était persuadé : détruire le cœur permettrait de sauver ce qu’il reste d’humanité.
Tu me vois… Approche… Attrape-moi… Sauve ce que tu peux sauver…
Mars était ému. Il marchait, lentement, vers le cœur primordial.
Je sens ma puissance ressurgir…
Mars sentait aussi cette puissance l’envahir. Il rejoignait enfin le cratère, peu profond. Il allait devenir l’Humastre Primordial.
Il tendit sa main en direction du cœur quand il sentit son visage entouré d’eau. Il recula tout en se débattant, puis chuta en arrière. Neptune apparut devant lui.
— Tu vas tous nous condamner.
Mars reprit son souffle tout en se relevant. Il envoya son poing au visage de Neptune, mais cette dernière se liquéfia.
— Nous condamner à quoi ! éructa Mars. Je vais tous nous sauver, la voix me l’a dit.
— Et qui est cette voix à ton avis ?
— Le cœur, il me parle.
— Exactement, le cœur de l’objet céleste, objet du parasitage. C’est un piège…
Neptune ne vit pas Mars l’attaquer. Elle se retrouva au sol, le visage en sang. Son souffle diminua, mais elle était consciente.
Mars laissa Neptune de côté, puis s’approcha de nouveau du cœur primordial.
Prends-moi… Prends-moi…
Mars se sentit happé, Neptune tenta de le déstabiliser, mais Mars força, de toute sa puissance, et attrapa le cœur primordial.
— Je suis l’Humastre Primordial.
Il sentit la pleine puissance du cœur primordial, et cette force l’envahit. L’âme de l’objet céleste intégra le corps de Mars, sous le regard médusé de Neptune, impuissante. Mars, au bout d’un instant, lâcha le cœur. Il ne battait plus ; il n’émettait plus aucune source de lumière. Mars passa du rouge au bleu incandescent. Il se tourna vers Neptune, les yeux d’un bleu intense, puis émis un rire glauque avant d’énoncer :
— Humains, Humastres, même combat.









Anthony Kontz : https://www.facebook.com/anthony.kontz.9
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